La "terreur" Bolloré s'étend à Canal+ Sport

Alors que la stratégie de Vincent Bolloré semble faire peu de cas de la partie en clair de Canal +, dont aucune des émissions phares n’est épargnée par les coupes de budget ou de têtes, les Sports n’échappent pas à la règle : ici, les affaires priment désormais clairement sur le journalisme. Et les salariés se le voient notifier à la manière Bolloré…

Le « grand argentier du foot » invité du Canal football club (CFC) sur Canal+. A première vue, les habitués du rendez-vous sportif dominical en clair de la chaîne cryptée n’ont pas vu de problème dans l’invitation de Jean-Claude Darmon, ce dimanche 8 mai. Ce qu’ils ignoraient, c’est que ce n’est pas le patron de l’émission, Hervé Mathoux, qui l’avait convié à venir vendre son dernier livre sur son plateau…

« Mathoux avait refusé de l’inviter mais on lui a notifié que l’ordre venait d’en haut« , témoigne pour Marianne un journaliste de l’entreprise, qui s’étrangle : « Bolloré en est même à choisir le casting des émissions de foot ! Et il ne s’en cache même plus… » L’anecdote est symptomatique en effet du climat qui règne au sein des Sports de Canal+, l’un des services phares de la chaîne, depuis la reprise en main – en poing – de « l’actionnaire totalitaire« .

Les présidents de clubs sont « des partenaires »

Il y a d’abord eu ce fameux reportage de l’émission Enquêtes de foot, intitulée « OM, la fuite en avant ? » et diffusé le 2 septembre dernier. Le sujet, qui montrait comment les mauvais choix et la désorganisation de la direction de l’OM avaient plongé le club dans le marasme, est toujours d’actualité aujourd’hui. Mais Vincent Bolloré, lui, s’est étranglé en le voyant. Et a fait savoir dès le lendemain, lors du Comité d’entreprise exceptionnel qui marquait sa prise de pouvoir à Canal, ce message on ne peut plus clair : « C’est exactement l’exemple de ce qu’il ne faut pas faire.« 

Depuis, la ligne à suivre pour le service des sports de la chaîne a été précisée, lors d’une réunion le 19 janvier, par ses nouveaux directeurs mis en place par Vincent Bolloré, Thierry Cheleman et Didier Lahaye. Alors que la société de journalistes (SDJ) section Sport – tout juste créée pour faire face à la bollorisation – faisait état d’un cap éditorial peu clair et des inquiétudes grandissantes au sein des rédactions, voici ce qui lui a été répondu :

« Il n’y a pas de sujets interdits… MAIS il faut garder les droits et ne pas se mettre sciemment en danger.« 

En effet, la stratégie principale de l’actionnaire n’est pas de faire du journalisme sportif mais bien d’acquérir des droits de retransmission des matches, dans un climat de plus en plus concurrentiel. Or, qui siège notamment au bureau de la Ligue de football qui les attribue ? Les présidents de clubs ! « Des partenaires« , considère donc Vincent Bolloré, et non des sujets d’enquête. Plus question, donc, de prendre le risque de les froisser. Comme cela avait été le cas avec l’Enquête de foot sur l’OM, à la suite de laquelle les dirigeants du club avaient appelé tout l’état-major de la chaîne pour se plaindre. Dans la foulée, l’épisode a été retiré de la VOD et l’émission, elle, est carrément promise à la disparition.

« C’est un mode de fonctionnement par la terreur« 

Un renoncement aux valeurs d’information et d’enquête symbolisé par le départ de Karim Nedjari, l’ex-chargé des magazines de sport qui incarnait la ligne corrosive de la chaîne et qui n’a pas pu s’entendre avec la nouvelle direction. Il est aussi résumé par ce bel euphémisme lâché par la direction : « Un bon sujet est un sujet équilibré ». « On n’est pas bêtes, on savait bien qu’on n’allait pas se mettre à critiquer les présidents de ligue à deux semaines de l’attribution des droits, c’était du bon sens !« , réagit un journaliste de la rédaction auprès de Marianne. Mais là, souligne-t-il, « c’est l’étape au-dessus : il y a des sujets devenus tabous. Par exemple, un journaliste qui avait osé enquêter sur la fondation PSG s’est entendu dire qu’il était inconscient et qu’il compromettait l’avenir de Canal ! » Pourquoi ces foudres subites ? Tout simplement parce que le directeur du PSG, le prince qatari Nasser Al-Khelaïfi, est également celui de la chaîne beIN Sports, avec laquelle… Canal+ est en plein rapprochement.

Restriction budgétaire de 20% aux sports

Conséquence de ces coups de butoir éditoriaux incessants, résume un autre membre de la rédaction : toute la maison vit dans l’angoisse. Avec, outre les inquiétudes éditoriales, des craintes sur l’avenir des emplois. La direction vient ainsi d’acter une restriction budgétaire de 20% aux sports, qui signifie d’ores et déjà la suppression de deux postes de commentateurs de Ligue 1, dès maintenant et pour la saison prochain. Et personne ne jurerait même que le CFC, rendez-vous incontournable des fans de foot sur Canal, va rester à l’antenne. De toute façon, plus personne n’ose trop l’ouvrir car la réponse est invariable, rapporte notre source : « Ceux qui ne sont pas contents prendront la porte. C’est un mode de fonctionnement par la terreur« .

« Le pire, analyse un salarié, c’est qu’à ce stade, la stratégie de Bolloré ne fonctionne pas, on va d’échec en échec : on n’a pas récupéré les droits qu’on voulait, on perd toujours des abonnés et en plus, l’image de la chaîne est dégradée !«  Ce qui pose une question, à Vincent Bolloré cette fois-ci : veut-il que son règne soit celui d’un Néron pour Canal ?
 

 

  Retrouvez Marianne sur notre appli et sur les réseaux sociaux :

Marianne sur App Store   Marianne sur Google Play

Marianne sur Facebook   Marianne sur Twitter   Marianne sur Instagram

Powered by WPeMatico

This Post Has 0 Comments

Leave A Reply