Après la loi Macron l’année dernière, Manuel Valls s’apprête à passer en force sur le projet de loi travail, qui divise profondément la gauche.
« Il ne faut jamais renoncer à un moyen constitutionnel », déclarait Manuel Valls vendredi dernier. Le Premier ministre préparait le terrain au recours à l’article 49-3, qui permet au gouvernement de faire adopter un texte sans vote par l’Assemblée nationale. Dont acte. Un conseil des ministres extraordinaire a autorisé ce mardi 10 mai Manuel Valls à engager la responsabilité de son gouvernement. « Je le ferai tout à l’heure », a annoncé le locataire de Matignon devant les députés, quelques instants après.
« Aujourd’hui nous disposons d’un texte cohérent et équilibré, et il est le fruit d’un compromis », a déclaré Manuel Valls. « Après de nombreux échanges, ce compromis a permis de réunir très largement le groupe majoritaire, et pourtant certains refusent de s’inscrire dans cette dynamique du compromis. » Les députés de l’aile gauche du PS s’opposent en effet au projet de loi.
Lundi, dans l’Hémicycle, ça sentait déjà fortement le roussi. Alors que les députés commençaient à examiner les amendements du texte, la ministre du Travail Myriam El Khomri a réclamé « la réserve des votes jusqu’à nouvel ordre ». Un autre mécanisme prévu par la Constitution qui permet au gouvernement de reporter à une date ultérieure le vote de certains amendements. Au grand dam des frondeurs du PS…
Les masques ont donc fini par tomber : fin février, la possibilité d’utiliser le 49-3 avait pourri les débats au sein de la majorité avant même qu’ils ne commencent. La ministre du Travail avait par la suite asuré à maintes reprises que le débat aurait bien lieu avec « le temps parlementaire« .
Ce serait la quatrième fois que Manuel Valls emploierait l’arme du 49-3 depuis qu’il est à Matignon. Le Premier ministre y a eu recours à trois reprises l’an dernier pour faire adopter la loi Macron. Un texte qui, comme le projet de loi El Khomri, divisait profondément le groupe socialiste. Bis repetita.
Elle est considérée comme « l’arme ultime » du gouvernement. L’article 49, alinéa 3 de la Constitution permet au Premier ministre d’engager sa responsabilité sur un texte de loi. Le projet est alors considéré comme adopté sauf si une motion de censure, déposée dans les 24 heures, est votée par l’Assemblée nationale. Si cela arrive, le gouvernement doit alors démissionner. L’article 49-3 ne peut être utilisé que sur un projet de loi budgétaire, ou une fois par an seulement sur un autre texte, après délibération du Conseil des ministres, ce qui avait été le cas en début d’année dernière pour la loi Macron.
Minoritaire à l’Assemblée, Michel Rocard (1988-1991) y avait eu recours plusieurs fois. Sous la Ve République, avant que le gouvernement Valls ne l’utilise, le 49-3 avait été utilisé 83 fois, indique le site de l’Assemblée, dont 51 par la gauche et 32 par la droite. Un décompte qui ne fait pas la distinction entre son usage « classique », pour engager la responsabilité du gouvernement sur son budget, et « exceptionnel », pour passer une loi en force. Avant la loi Macron, le dernier recours « en force » datait de 2006, lorsque Dominique de Villepin avait fait passer le projet de loi « Egalité des chances » instaurant le fameux Contrat première embauche (CPE). Alain Juppé y a aussi eu recours en 1995, dans le cadre du changement de statut de France Télécom.
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