La France discrimine ses migrants, dénonce le Défenseur des droits

Le Défenseur des droits, Jacques Toubon, a rendu public ce lundi 9 mai un rapport consacré aux droits fondamentaux des étrangers. Il y fustige la banalisation des discriminations et déplore plus particulièrement l’écart trop fréquent entre les dispositions de la loi et l’application qu’en font les préfectures.

« L’esprit des lois françaises et leurs applications« . Avec ce dernier pluriel problématique, le problème principal est pointé dès l’introduction. Dans un rapport de 305 pages sur le sort réservé aux migrants en France, publié ce lundi 9 mai, le Défenseur des droits Jacques Toubon dénonce les discriminations dont ces derniers sont l’objet en France, notamment du fait d’un décalage entre les dispositions de la loi et l’application qu’en font les préfectures. Dans ce document qui aborde toutes les étapes du parcours en France d’un étranger, trois points retiennent particulièrement l’attention : la délivrance des titres de séjour, l’accès aux soins et le sort réservé aux mineurs.  
 

Arbitraire sur la délivrance de papiers

La délivrance de papiers à un étranger est un des exemples forts illustrant la non-application du droit. « Lorsque son dossier complet a été enregistré, l’étranger doit se voir délivrer un récépissé« , rappelle le Défenseur des droits. Or, cette obligation est régulièrement bafouée par les préfectures. Et l’étranger, s’il ne possède pas ce fameux papier, peut se faire interpeller, voire être soumis à une procédure d’expulsion. Par ailleurs, concernant la remise de la carte de résident – d’une validité de dix ans et qui facilite l’intégration des étrangers en leur permettant un accès au logement, aux prêts, à l’emploi -, le rapport souligne que les préfectures la délivrent de moins en moins et lui préfèrent les cartes de séjour d’un an. Un jugement qui relève de la discrétion de l’autorité publique, sans justification. 

Le droit à la vie passe derrière la maîtrise des flux migratoires

L’accès aux soins est aussi une préoccupation essentielle de Jacques Toubon, qui dénonce des « obstacles de plus en plus fréquents à l’admission au séjour pour soins« . Dans la loi, pourtant, il est interdit d’éloigner du territoire français une personne qui encourt un risque d’une exceptionnelle gravité pour sa santé en raison de l’absence d’un traitement approprié dans son pays d’origine. « Sans aller jusqu’à leur conférer un droit au séjour, ces dispositions permettaient d’assurer une protection a minima des droits les plus fondamentaux de la personne« , estime l’auteur du rapport. Mais aujourd’hui, les préfets passent outre l’avis des médecins. En des termes forts, Jacques Toubon déplore ce manquement à la loi : 

« Les éloignements des personnes porteuses du VIH vers le Nigeria ou le Suriname marquent une régression qui illustre l’inversion des priorités entre la maîtrise des flux migratoires et le respect des droits fondamentaux, dont le droit à la vie. »

Les mineurs étrangers placés en détention

Dernier point, et non des moindres, qui fait l’objet des critiques du Défenseur des droits : le sort des mineurs étrangers. En France, la scolarisation d’un enfant entre 6 et 16 ans est obligatoire, qu’il soit étranger ou non. Mais d’après le rapport, certains établissement scolaires bafoueraient ce droit de l’enfant. En cause ? Des parents qui ne sont pas en séjour régulier ou qui se trouvent sans domicile fixe. Par ailleurs, les mineurs sont de plus en plus nombreux à être placés en centre de rétention avec le reste de leur famille. Pourtant, en principe, il n’est pas possible de placer en rétention un étranger accompagné d’un mineur : c’est une mesure d’assignation à résidence qui doit être privilégiée, dans l’attente de la mise en oeuvre de l’éloignement. Mais la loi du 7 mars dernier, relative aux droits des étrangers, a changé la donne, au grand dam du Défenseur des droits. Elle permet la mise en rétention des mineurs avec leur famille dans trois cas : lorsque l’étranger n’a pas respecté son assignation à résidence, s’il a tenté de fuir au moment du départ et lorsque la mesure d’éloignement est prévue dans un délai maximum de 48 heures.

Pour éviter la propagation d’interprétations du droit divergentes ou illégales au sein des préfectures, Jacques Toubon « recommande au ministre de l’Intérieur de procéder à des rappels réguliers du droit applicable« . Mais cette disparité entre ce que dit la loi et son application est-elle une méconnaisance de ce que dit la loi ou des « oublis » volontaires ? Cette question, le rapport Toubon ne se risque pas à y répondre.

 

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