Dans une interview accordée au « Figaro » ce lundi 9 mai, Nicolas Sarkozy accuse François Hollande d’avoir fait preuve de peu d’ambition dans sa gestion du budget et des effectifs de l’armée française. En avançant des chiffres qui tordent la réalité… Décryptage.
« La défense est une priorité absolue« . Candidat non déclaré à la présidentielle, Nicolas Sarkozy donne ce lundi 9 mai une interview au Figaro sur le domaine régalien par excellence : la Défense. Une charge au passage contre François Hollande : « Je n’ai jamais vu un quinquennat aussi erratique dans le financement de la défense« .
Que reproche le président de Les Républicains à son successeur à l’Elysée ? Notamment, d’avoir baissé la garde au niveau budgétaire, ainsi que les effectifs :
« Je n’ai jamais vu un quinquennat aussi erratique dans le financement de la défense – marche arrière, avec trois années de baisses d’effectifs, puis marche avant. Tout ce temps perdu pour aboutir en 2019 au format d’armée que nous avions prévu en 2009, soit 268.000 personnes. »
« Le budget est actuellement de 32 milliards d’euros. Pour la première fois depuis 1945, la France dispose d’un budget de la défense inférieur à celui de l’Allemagne (34 milliards). Quel symbole ! Cela en dit long sur la perte d’influence de la France, sur les ambitions allemandes et le manque d’ambition français. »
Des affirmations qui ne passent pas l’épreuve des faits…
En valeur absolue, Nicolas Sarkozy a raison : le budget de la défense française hors pensions (périmètre le plus pertinent pour comparer plusieurs Etats, les régimes de pensions étant variables) se monte à 32 milliards d’euros en France en 2016, contre 34 milliards outre-Rhin. Et les courbes des deux budgets se sont en effet croisées pour la première fois sous François Hollande : c’était en 2012, quand l’Allemagne a dépensé 32,5 milliards tandis que la France en dépensait 32. Sauf que le budget de 2012 n’a pas été défini par le gouvernement socialiste mais bien sous la présidence… Sarkozy ! Les lois de programmation militaire (LPM) courent en effet sur 6 ans : en l’espèce, celle de 2008-2013 avait été présentée par Hervé Morin, le ministre de la Défense de François Fillon.
Tout comme celle des budgets, la baisse des effectifs militaires a devancé de loin l’arrivée de la gauche au pouvoir. En fait, elle remonte même à 2002, sous Jacques Chirac, et n’a jamais cessé depuis lors. En revanche, elle s’est ralentie sous François Hollande, puisque moins de 34.000 suppressions de postes étaient prévues de 2014 à 2019, contre plus de 45.000 de 2009 à 2014, sous Nicolas Sarkozy. Et une actualisation de la LPM impulsée par François Hollande après les attentats de 2015, qui a réinjecté 3,8 milliards par rapport à la trajectoire initiale, a en outre permis de réduire l’hémorragie en épargnant 18.750 postes. Enfin, en termes d’effectifs militaires, dont Sarkozy lui-même fait dans son interview au Figaro un élément cardinal de la politique de défense, montrent que la France devance toujours l’Allemagne :
Evolution des effectifs militaires (au sens de l’Otan) |
France |
Allemagne |
2007 |
354.400 |
244.900 |
2012 |
219.200 |
191.700 |
2014 |
207.000 |
183.700 |
Outre ses omissions chronologiques, Nicolas Sarkozy montre une fâcheuse tendance à comparer ce qui n’est pas comparable. La valeur absolue d’un budget n’est en effet guère significative pour comparer deux Etats dont la différence de population se monte à… 15 millions d’habitants. Deux éléments permettent en revanche d’être plus pertinent : la part de ce budget par rapport aux PIB respectifs des Etats et les dépenses de défense par habitant. Et de ce côté-là, les données fournies par l’Otan (pour 2014) montrent que Paris devance toujours Berlin :
France |
Allemagne |
|
Part des dépenses de défense dans le PIB |
1,46% |
1,08% |
Dépenses de défense par habitant |
490,7 euros |
399,9 euros |
En dénonçant le manque d’ambition français, Nicolas Sarkozy néglige encore de regarder comment sont affectés les budgets. Dans le détail en effet, la France consacre une part bien plus importante de son budget de défense à l’équipement (31%) que l’Allemagne (19%), grevée par les dépenses de fonctionnement. En clair : la France fait plus avec moins.
Powered by WPeMatico
This Post Has 0 Comments