Combattre l'opacité du Tafta : la stratégie gagnante dite "de Dracula"

Le Trans-Atlantic Free Trade Agreement (Tafta) brille par son opacité depuis le début des négociations, il y a trois ans. Depuis lundi 2 mai, Greenpeace a publié une partie du contenu du futur accord transatlantique. Une manière pour eux de provoquer un réveil citoyen qui n’est pas sans rappeler la stratégie adoptée face à l’Accord multilatéral sur l’investissement de 1995. Une stratégie gagnante appelée « stratégie de Dracula » : l’accord avait finalement été abandonné par la France en 1998 …

Lundi 2 mai, 248 pages de documents « authentiques » sur les négociations du traité transatlantique du Tafta ont été publiés sur le site de la branche néerlandaise de Greenpeace. Ils datent du démarrage de la treizième session des négociations du traité qui s’est tenu fin avril à New York. Ces documents ne sont donc pas complets et portent sur les deux tiers de l’ensemble des textes discutés. Treize chapitres y apparaissent, qui concernent aussi bien les télécommunications que les pesticides, la coopération règlementaire ou encore l’abaissement des tarifs douaniers.

Des documents complexes à décrypter mais qui ont le mérite d’être désormais accessibles à tous. Car jusqu’à présent, c’est l’opacité sur ces négociations qui était reine. Aucun document n’avait encore filtré. Même les parlementaires avaient un accès restreint aux rapports sur les négociations. Les quelques pages sont en effet consultables uniquement en anglais, dans une salle fermée, en étant escorté par un fonctionnaire de Matignon et en laissant son téléphone à l’entrée. Le visiteur est même menacé de sanctions pénales en cas de divulgation de leur contenu. Rien que ça. Un mystère qui frise l’absurde et entretien les craintes de l’opposition au traité transatlantique. Ce sont ces documents « ultra confidentiels » qui sont dorénavant à la portée de tous grâce à Greenpeace.

« Pour la première fois on a noir sur blanc la portée réelle de ces négociations. »
Pour Jean-François Julliard, directeur général de l’organisation non gouvernementale Greenpeace, « le timing était le bon ». La publication de ces documents confidentiels arrive à point nommé entre le moment où Greenpeace les a obtenus et « ce sentiment de basculement » qui est en train de s’opérer en France. De fait, François Hollande a dit « non » ce 3 mai au Tafta, « à ce stade » des négociations. Pour Thomas Coutrot, économiste et co-président de l’association Attac, « l’intérêt de l’initiative de Greenpeace ne réside pas dans la publication en soi des documents car il n’y a rien de nouveau. Mais pour la première fois on a noir sur blanc la portée réelle de ces négociations« .

« On expose l’accord pour exprimer nos inquiétudes et les faiblesses de ce texte, explique à Marianne Jean-François Julliard. Si ça amène à la fin des négociations, tant mieux !« . Mettre à jour un projet pour mieux le tuer dans l’œuf. C’est la « stratégie de Dracula » théorisée par Susan George, militante altermondialiste et présidente d’honneur de l’association ATTAC. « Si on expose le vampire à la lumière du jour, il ne le supporte pas, il crève« , explique-t-elle dans les colonnes de l’Humanité en décembre 2014 . Cette stratégie avait alors fonctionné pour l’Accord Multilatéral sur l’investissement (AMI) dans les années 90.

« Si on expose le vampire à la lumière du jour, il ne le supporte pas, il crève. »

Entre 1995 et 1997, l’AMI est négocié secrètement entre les vingt-neuf pays membres de l’Organisation de Coopération et de développement économique (OCDE). Il propose une libéralisation poussée des échanges et des investissements. Les négociations sont ultra secrètes, personne n’entend alors parler de cet accord pourtant décrit comme historique. C’est grâce à des associations citoyennes telle que ATTAC que le projet est démasqué. En relayant et en mettant en place des débats publics, la colère contre cet accord ne cesse de gronder. Les pays négociateurs sont démasqués. Le 14 octobre 1998, à l’occasion d’une question posée à l’Assemblée nationale, Lionel Jospin, alors Premier ministre, annonce que la France ne participera plus aux négociations de l’AMI.

« C’est ce que nous voulons faire aujourd’hui pour le Tafta. Il faut le montrer et faire connaître ce que contient cet accord, les gens comprennent alors tout de suite« , affirmait Susan Georges, en 2014, toujours dans l’Humanité.

Alors peut-on imaginer le même sort pour le Tafta ? « Je ne sais pas de quoi sera faite la suite, en tout cas la publication a permis d’avancer dans les débats sur ce traité, affirme Jean-François Julliard. L’opposition était déjà en marche, maintenant elle ne va faire que grossir« .

Pour Thomas Coutrot, l’affaire est dans le sac. « On assiste au même scénario que pour l’AMI : un accord négocié clandestinement, une société civile qui se réveille« , explique-t-il. Aucun doute n’est possible pour ce membre des Economistes atterrés : « On est en train d’assister au début de la fin du Tafta et c’est une excellente nouvelle« . Pour preuve, il y a encore un an François Hollande affirmait que la France avait « tout à gagner à aller vite » sur ce dossier. Aujourd’hui, le ton est radicalement différent.

 

Powered by WPeMatico

This Post Has 0 Comments

Leave A Reply