La croisade de Jean-Marie Le Pen tourne court aux pieds de Jeanne d’Arc

A peine 300 personnes ont répondu à l’appel au secours de Jean-Marie Le Pen. Contre 2000 convives au banquet de celle qui lui a subtilisé son parti, Marine Le Pen. « On en a refusé autant », se vantent les responsables. Le fondateur du parti n’a jamais été aussi isolé, et ses derniers fidèles soutiens sont menacés de « purge ». Prochain round, lundi matin, lors d’un Bureau politique de règlement de compte.

Le pari était risqué et l’échec prévisible. Même les soutiens les plus proche de Jean-Marie Le Pen avaient grimacé quand le vieux chef avait annoncé qu’il défierait sa fille le 1er Mai : puisque, sous la pression de menaces d’attentats, elle renonçait à défiler de Palais Royal jusqu’à l’Opéra comme chaque année, lui se faisait fort de rassembler 2000 personnes à son appel « Jeanne au secours » au pied de la statue de Jeanne-d’Arc, place des Pyramides à Paris. « On n’est pas des lâches ! » justifiait-il.

Un Bureau politique pour décider du sort des dissidents

Lâche peut-être pas, mais lâché sûrement. Sur les 300 personnes rassemblées ce dimanche, un bon tiers étaient composé de journalistes et de photographes renforcés de quelques vendeurs de l’Action française. Deux élus ceints de leurs écharpes tricolores s’évertuaient à cacher leur identité, tout juste devinait-on qu’ils étaient conseillers municipaux du Val-d’Oise et de la Somme. La surprise est venue de la présence de trois députés européens du FN qui ont bravé le menaces de sanction de la direction, Marie-Christine Arnautu, membre du bureau exécutif du parti, Mireille d’Ornano et Bruno Gollnisch. Dans l’après midi, Steve Briois a réclamé « une purge » de celles et ceux « qui n’ont plus rien à faire à la direction du mouvement ». Le pari est bel et bien perdu et les chiens sont lâchés. Suite demain où un Bureau politique se tiendra à partir de 10 heures au siège du FN à Nanterre. Partisans de la purge et futurs purgés se disent prêts à en découdre.

Reste que les deux partis, « le canal historique » ainsi que se nomme désormais Jean-Marie Le Pen, et le FN dédiabolisé se sont parlé à distance. Parler est d’ailleurs un bien grand mot, puisqu’il s’est agi plutôt d’un monologue. Tout dans le discours de Le Pen père transpire de l’espoir d’être à nouveau invité au banquet électoral du FN, même en bout de table. Il supplie qu’on l’écoute à nouveau, en appelle aux hauts faits de sa gloire passé, et menace sa fille d’échec total si elle ne consent pas à le réintégrer.

« Autant d’importance que la candidature de Rama Yade »

En face, à la porte de la Villette où se tenait un banquet de 2000 couverts payé 15 euros le repas par les convives en lieu et place du traditionnel défilé, on feint l’indifférence. Le mépris même quand interrogé sur l’initiative du fondateur du parti, Florian Philippot lâche, goguenard « elle a autant d’importance que la candidature de Rama Yade ».

Pis, quand le matin Jean-Marie Le Pen qualifie la « dédiabolisation du FN » entreprise par sa fille de « sottise suicidaire », l’après-midi la fille enfonce le clou de la dédiabolisation : « J’appelle tous les Français à nous rejoindre, quelle que soit leur religion, qu’ils viennent de la gauche ou de la droite. Le seul critère c’est qu’ils aiment la France. »

Quand le matin le père expliquait que « la dédiabolisation tendait donc à diminuer l’hostilité de nos ennemis et adversaires en se rapprochant d’eux et en espérant leur bienveillance : calcul de naïfs, de sots ou de traîtres. », l’après midi la fille déclarait : « On me dit anti-européenne. Non je suis profondément pour l’Europe et les échanges entre pays européens.»

Deux visions du développement du FN radicalement opposées

Quand le matin le père rappelait qu’il n’y a qu’une seule voie, « l’opposition au système » qu’incarne le chef, l’après-midi la fille renouvelait sa volonté « de s’extraire du marigot politicien qui ne produit que des polémiques stériles. » Et donc de se taire en renonçant provisoirement à son rôle de tribun.

De cette journée, il restera deux visions du développement du FN, radicalement opposée : celle de la place des Pyramides sanctionnée par l’isolement consommé du vieux chef. Et celle de la porte de la Vilette où le FN de Marine Le Pen a cherché à montrer que, contrairement aux autres parti, PS et LR où se multiplient les candidatures à l’élection présidentielle, son parti est en ordre de bataille et gonfle ses voiles.

Pour que la démonstration soit complète, la patronne du FN a fait défiler à la tribune les présidents des groupes FN des conseils régionaux nouvellement élus. S’en est suivi une longue litanie des escarmouches livrées aux représentants des LR. Comme si mettre les feu aux hémicycles régionaux suffisait à constituer une stratégie. Un peu faible comme plan de bataille pour gagner la prochaine présidentielle ou enlever de nouveaux sièges de députés.

La palme reviendra au nordiste Philippe Emery : « Les troupes de Xavier Bertrand nous craignent, ça se voit sur leurs visage. » Avant de décrire l’activité du président LR Xavier Bertrand : « son véritable plaisir solitaire c’est d’avoir Marine – élue au conseil régionale – en personne devant lui. » Pour convaincre les électeurs qu’ils sont capables d’exercer le pouvoir alors qu’ils s’obstinent, scrutin après scrutin, à le leur refuser, il y a mieux.

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