Vidéo GoPro de Daech : derrière la propagande, le recul de l'Etat islamique sur le terrain

Vice News a récemment publié un document rare, une vidéo montrant une tout autre réalité que ce que veut faire croire la propagande de Daech. Fébriles, amateurs, les soldats du Califat y apparaissent bien loin des images au style hollywoodien que diffuse l’organisation terroriste. Au-delà des images, en réalité, celle-ci perd du terrain depuis plusieurs mois en Irak et en Syrie.

C’est un document rare dans la presse occidentale. Une vidéo de 6 minutes dévoilant une tout autre réalité que ce que veut montrer la propagande de Daech. Publiées par le média Vice news ce mercredi 27 avril, les images montrent des combattants du « Califat » partir à l’assaut d’une position tenue par les troupes kurdes d’Irak, les peshmergas. Fébriles, désorganisés, proches de l’amateurisme, ils sont bien loin des vidéos propagées par Daech mettant en scène des djihadistes aguerris, défiant la mort avec le sourire. Selon le média, cette vidéo tournée par une Gopro, petite caméra particulièrement prisée par les soldats de Daech sur le terrain, daterait de mars dernier. Elle aurait été récupérée sur un combattant de ce groupe, à 50 kilomètres au nord de Mossoul, ville contrôlée par les troupes d’Abou Bakr al-Baghdadi, le « Calife » auto-proclamé de l’Etat islamique. 

Des pieds nickelés du djihad

La vidéo démarre avec les adieux d’un kamikaze à ses « camarades ». Le porteur de la caméra, accompagné de deux autres individus, se dirige ensuite à bord d’un véhicule, au blindage bricolé, vers le front. A bord, les djihadistes disposent de plusieurs kalachnikovs, d’un lance-roquette de type RPG et d’une mitrailleuse allemande, une MG 42 vraisemblablement, datant de la Seconde guerre mondiale. Deux ou trois autres véhicules font partie de la manœuvre. On entend d’ailleurs l’un des protagonistes avertir ses camarades : « Attention à ne pas tirer sur nos frères ». Mais rapidement la colonne se fait engager par les peshmergas et une roquette vient ricocher sur le blindage d’un des véhicules. La bataille commence, la panique gagne rapidement la petite troupe. Un premier cherche désespérément un chargeur pour réalimenter son fusil d’assaut, un autre demande à ce qu’on lui passe une roquette. Quant au troisième, qui s’active avec sa mitrailleuse et semble être devenu complétement sourd, il ne se rend même plus compte que toutes ses douilles brûlantes atterrissent sur ses camarades. « Abu Hajaar, fais attention, les douillent nous touchent ! », l’engueule le porteur du RPG. Ce dernier, après avoir tiré une première roquette – « bien joué mais tu nous as cramés aussi » -, tente dans le feu de l’action d’en tirer une deuxième avant que le porteur de la caméra ne l’arrête : « Enlève le capuchon de sécurité de la roquette ! »

L’équipage est finalement obligé d’abandonner son véhicule, touché par un tir de missile peshmerga. Les soldats essayent tant bien que mal de s’échapper. Celui qui filme tombe alors à terre, blessé par balle. Réalité versus fiction, ce document tranche nettement avec la propagande habituelle de Daech sur ses soldats, à grands renforts de cadrages hollywoodiens, où l’on voit ses soldats partant la fleur au fusil, surentraînés, sereins face à la perspective de la mort.

La vidéo reflète-t-elle pour autant la réalité de l’état des forces de Daech ? « Dans toutes les armées il y a des pieds nickelés, ce n’est pas un scoop, si ? (…) Cette vidéo est probablement l’une de celles qui ont été repêchées par les Peshmergas sur les gars morts. Ils ont choisi la pire et les passages les plus nuls pour la diffuser », tempère Romain Caillet, chercheur français spécialiste du djihadisme, interrogé par Rue 89. Pourtant, si les forces d’Abou Bakr al-Baghdadi ne sont pas encore battues en Syrie, en Irak et en Libye, l’Etat islamique est loin de son apogée de la fin de l’été 2014 lors de sa proclamation. Depuis lors, la situation s’est nettement empirée sur les différents fronts.

En Irak et en Syrie, Daech perd du terrain

En Syrie, dans le nord, Daech a perdu des centaines de kilomètres de terrain face aux assauts répétés des YPG, les Kurdes de Syrie, et des Forces démocratiques syriennes, coalition créée en octobre 2015 qui rassemble des Kurdes et des rebelles arabes de l’ASL (Armée syrienne libre) ou de de milices chrétiennes. Grâce au renfort des bombardements de la coalition et des frappes russes, les djihadistes ont ainsi perdu presque l’ensemble de la maîtrise de la frontière nord avec la Turquie, cruciale pour la contrebande et le passage des candidats étrangers au djihad. Comme le montre un récent reportage de France 24, les forces kurdes bénéficient aussi de matériels sophistiqués comme des missiles antichar MILAN, particulièrement redoutables de précision. Plus confidentiel, ils peuvent aussi compter sur le soutien de forces spéciales occidentales, dont françaises, comme on l’entrevoit dans le document de la chaîne. 

Récemment, l’armée loyale à Bachar al-Assad a même réussi, grâce au soutien actif de l’aviation russe, à reconquérir la ville emblématique de Palmyre. En Irak, l’armée et les peshmergas, après avoir repris la ville de Ramadi, se rapprochent de Mossoul, tombé dans le giron de l’EI en juin 2014. Le 4 juillet 2014, Abou Bakr-al-Bagdadi y avait fait sa première apparition, enjoignant tous les musulmans de lui obéir.

« La coalition affaiblit militairement Daech »

Les frappes de la coalition s’attaquent également au nerf de la guerre : les finances de Daech. En conséquence, selon une information du Guardian, qui cite l’Observatoire syrien des droits de l’Homme, la rémunération d’un combattant syrien baisserait, chutant à 200 dollars tandis que celle d’un combattant étranger venu rejoindre les rangs de l’État islamique passerait à 400 dollars. L’ONG aurait mis la main sur un communiqué du groupe annonçant aux troupes qu’« en raison des circonstances exceptionnelles que traverse l’État islamique, décision a été prise de diminuer les salaires de tous les mudjahidins de moitié. Personne ne sera exempté de cette décision, quelle que soit sa position ».

Les bombardements de la coalition internationale sur les raffineries pétrolières et les réserves de monnaie, la volonté du Conseil de sécurité de l’ONU d’assécher leurs sources de financement et la progression des forces anti-djihadistes sur le terrain semblent donc porter enfin leurs fruits en Irak et en Syrie. Wassim Nasr, spécialiste de la mouvance djihadiste interrogé par Le Figaro, explique : « L’EI a perdu plusieurs villes clés comme Ramadi, Tikrit en Irak, ou Shedade en Syrie. Ce sont ces défaites qui l’affaiblissent. Dans cette guerre, ils sont combattus comme un Etat. La coalition frappe les centres de commandement, les infrastructures civiles comme les routes, les ponts et les centrales électriques. Ainsi, elle fait d’une pierre deux coups : elle les affaiblit militairement et elle met à mal leur capacité à administrer leur territoire comme un Etat. S’ils ne sont plus capables de fournir ces services aux populations, elles peuvent se révolter et les renverser. En Libye, la pression de l’Etat islamique s’est par contre accentuée. »

Daech, face à ces défaites répétées, chercherait a déplacer le front en accentuant la pression en Libye. En témoigne la récente attaque de la ville de Ben Gardanne, en Tunisie, proche de la frontière libyenne. Ce qui explique, comme le révélait Le Monde, que la France mènerait depuis plusieurs mois des opérations secrètes là-bas.
 

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