Patrick Drahi fait passer Libé, l'Express et BFMTV sous la coupe de SFR

Le propriétaire de SFR, Patrick Drahi, a décidé de rassembler les médias de son groupe au sein de l’opérateur. Son objectif : attirer plus d’abonnés en leur offrant des contenus. Inquiets pour leur indépendance, les salariés de Libération font part de leur « vigilance ».

Pas à pas, Patrick Drahi déroule sa stratégie. Après avoir mis la main sur SFR en 2014, l’homme d’affaires franco-israélien s’apprête à rassembler sous la coupe de l’opérateur les médias qu’il a entrepris de racheter depuis quelques années. 17 titres de presse, dont Libération, l’Express, l’Expansion et Stratégies, vont ainsi devenir la propriété de SFR, comme le révélait le JDD dimanche dernier. Tout comme les 49% que le groupe de Patrick Drahi, Altice, détient dans NextRadioTV, qui édite notamment la chaîne BFMTV et la radio RMC. Au total, plus de 1.000 journalistes seront chapeautés par une nouvelle filiale, SFR Médias, qui sera dirigée par Alain Weill, le patron de NextRadioTV.

L’objectif de cette opération à 600 millions d’euros, confirmée lors d’une conférence de presse mercredi 27 avril, c’est la fameuse convergence entre les réseaux et les contenus, un mouvement qui agite frénétiquement le secteur des télécoms. Autrement dit, maintenant que Patrick Drahi a la main sur les tuyaux, il veut les remplir, histoire d’attirer plus de clients à grand renfort de contenus. SFR doit ainsi lancer un kiosque numérique proposant Libé, l’Express et les autres journaux du groupe à ses abonnés « en illimité » – donc gratuitement, semble-t-il. L’opérateur s’apprête aussi à créer un bouquet de cinq chaînes de sport, alors que le groupe Altice a acheté les droits du prestigieux championnat anglais de foot.

« Vigilance » à la rédaction de Libé

Dans des rédactions déjà secouées par le dégraissage à marche forcée opéré par leur nouveau propriétaire, cette évolution inquiète. Peut-on faire du journalisme en toute indépendance lorsqu’on est une filiale du deuxième opérateur téléphonique français ? Oui, a martelé Alain Weill devant la presse mercredi : « Evidemment, tous les médias du groupe, toutes les rédactions resteront totalement indépendantes et la liberté dans les rédactions restera l’une des valeurs primordiales du fonctionnement des entreprises de presse. »

Pourtant, chez Libé, Laurent Joffrin s’est senti obligé dès mardi de prendre la plume dans ses propres colonnes pour tenter de rassurer ses troupes. Le directeur de la rédaction du quotidien assure qu’il s’agit d’un « non-changement ». « Les statuts du journal, et notamment la charte qui garantit son indépendance rédactionnelle, continuent de s’appliquer selon des modalités strictement identiques à ce qu’elles étaient depuis toujours », écrit-il, en voyant dans le rachat par SFR la possibilité pour Libé « d’étendre son audience auprès d’un public nouveau ».

« A l’intégration renforcée entre diffuseur et diffusé, doivent répondre des garanties d’indépendance très strictes »Un enthousiasme que ne partage pas tellement la Société des journalistes et du personnel de Libération (SJPL), qui a « fait part de sa vigilance » dans un communiqué mardi. « Conscients de l’opportunité de diffusion que peut représenter une telle nouveauté, la SJPL tient néanmoins à rappeler l’impératif de totale d’indépendance de la rédaction inscrit dans le pacte signé en 2015 par les actionnaires et la direction du journal. A l’intégration renforcée entre diffuseur et diffusé, doivent répondre des garanties d’indépendance très strictes », prévient-elle. La SJPL pointe « un risque : celui de devenir dépendant d’un diffuseur numérique, d’autant plus qu’il s’agit de notre actionnaire majoritaire ». Et le communiqué d’ajouter : « Comme cela a été le cas par le passé avec tous nos actionnaires – y compris Patrick Drahi – SFR et ses dirigeants n’auront pas leur mot à dire sur les contenus, papiers et numériques, produits par les journalistes de Libération. » Une affirmation ou une supplication ?

 

 

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