David Cormand : "EELV présentera des candidatures indépendantes aux législatives en 2017"

Le secrétaire national d’Europe Ecologie-Les Verts, David Cormand, a officialisé la rupture de son parti avec la majorité au pouvoir : plus d’alliance en vue de 2017, ni pour la présidentielle ni pour les législatives. Pas question donc d’accord avec le PS comme au temps de Martine Aubry, les prétendants EELV à la députation présenteront des « candidatures indépendantes ». David Cormand s’en explique à « Marianne ».

Marianne : Nous sommes dans la dernière ligne droite avant la présidentielle. Quel est en l’état, le rapport d’EELV avec la gauche et le PS ?
David Cormand
 : Pour comprendre notre positionnement dans la période il faut partir de plus loin. Permettez-moi de rappeler une chose parfois oubliée : l’écologie est une force nouvelle dans l’histoire des idées politiques. Elle cherche à se frayer un chemin durable dans les mouvements qui pèsent historiquement. La question qui nous anime est celle-ci : confronté à une crise environnementale majeure l’humanité doit changer radicalement de route. Dès les années 70, face à un système portant la surexploitation des ressources naturelles et la perpétuation de rapports de classes aliénants, les écologistes ont défendu un dépassement la société de consommation et de gabegie. Comment alors promouvoir un nouveau modèle de développement respectueux des écosystèmes, basé sur des apports harmonieux entre l’homme et la nature, économe en ressources et qui favorise l’émancipation des individus ? Cette question n’efface pas les clivages anciens, mais les transcende. Les écologistes ne s’inscrivent ni dans le productivisme capitaliste, ni dans le productivisme marxiste. De la vient qu’historiquement, l’écologie en France était un mouvement indépendant des forces politiques existantes, de droite comme de gauche.
« Martine Aubry était très écolo-compatible »

C’est dans les années 1990 que l’écologie politique française va changer de stratégie électorale avec le concept de « l’autonomie contractuelle ». Avec un mouvement écologiste qui se veut autonome mais qui peut passer des accords avec des partenaires de gauche. Cela se traduira en 1997 avec l’élection de six ou sept députés écologistes et l’entrée de Dominique Voynet dans le gouvernement de Lionel Jospin. C’est le passage, pour la première fois, à la cogestion des Verts avec le PS. Cela va s’accompagner de la fossilisation des débats internes chez les écolos entre ceux qui défendent cette cogestion et ceux qui veulent un retour à l’autonomie. Après la création d’EELV en 2009 nous avons poursuivi dans cette voie. Martine Aubry, qui était à la tête du PS, était très écolo-compatible. Ce qui a abouti à un contrat de majorité, sur le fond, mais aussi sur la forme avec des accords pour les législatives de 2012.
« Il y a aujourd’hui une incompatibilité de gestion avec la politique menée par le PS »

Sauf que Martine Aubry a échoué à devenir la candidate de la gauche et Hollande et ses proches ne se sont pas sentis engagés par l’héritage de la volonté aubryste. Et depuis 2012, le PS au gouvernement s’est éloigné de cet accord de majorité et des valeurs qui nous rassemblaient. Nous avions fait le pari que le PS ferait son aggiornamento écologiste. Cela n’a pas été le cas. Les discours se sont plus verdis que les actes. Le greenwashing gouvernemental n’est pas à la hauteur des enjeux. De surcroit, la politique menée est d’une orthodoxie désespérante que ce soit avec le TCE, l’ANI, le CICE, la loi Macron. Enfin le calamiteux débat sur la déchéance de nationalité a montré notre éloignement en termes de valeurs. La ligne politique de ce gouvernement n’est plus écolo-compatible. Aujourd’hui, il y a une incompatibilité de gestion avec la politique menée par le PS.
 
 
C’est une manière de couper les ponts avec le PS…
La question ne se limite pas à cela. Nous vivons un moment historique. Non pas une simple crise économique, sociale ou écologique mais une crise du système et des partis qui accompagnent ce système. Je suis persuadé que nous vivons une période de recomposition politique avec trois pôles qui se dessinent. Celui de la connexion entre une partie de la droite républicaine et de l’extrême-droite. Celui du « cercle de la raison », ce pôle de gestion qui s’incarne en Allemagne par la coalition au pouvoir et en France, avec la main tendue de Manuel Valls à Jean-Pierre Raffarin, d’Alain Juppé qui veut faire la même politique que François Hollande ou du positionnement d’Emmanuel Macron. Et il y a ce troisième pôle, à construire, qui est celui de la transformation et dont l’écologie est la colonne vertébrale. Nous nous y employons.
 
« Il n’y a pas d’alliance possible avec les forces qui se revendiquent du bilan de Hollande »
 
Quelle sera donc la feuille de route d’EELV par rapport à 2017 et au-delà ?

Au départ, ni nos constats, ni nos solutions n’étaient partagés. Ensuite notre constat s’est imposé. Maintenant nos solutions doivent s’appliquer. Il faut donc que nous construisions un parti à vocation majoritaire. Comment ? Je propose, et ce sera à notre congrès de trancher, un projet à moyen et long terme pour EELV à l’horizon 2025. L’écologie politique doit reprendre son indépendance. Il faut que nous nous affirmions en nous émancipant de l’injonction de se positionner par rapport aux autres. Mon objectif à dix ans est que l’écologie devienne majoritaire en France et en Europe et plus seulement une béquille électorale de la vieille gauche. Dans cette perspective, il n’y a pas d’alliance possible avec des forces politiques qui se revendiquent du bilan de François Hollande.

 
« Nous n’avons rien à gagner à faire du bouche-à-bouche au Président sortant »
Comment cela va-t-il se concrétiser en 2017 ?
Pour 2017, nous n’avons rien à gagner à faire du bouche-à-bouche au Président sortant. Nous devons retrouver le contact avec les Français et les Françaises pour infuser l’idée qu’il y a une alternative : l’écologie. C’est une stratégie qui se décline aux législatives avec des candidatures indépendantes. Nous risquons sûrement de perdre des élus que nous avions gagnés grâce aux accords avec le PS. J’assume. Notre objectif demeure d’avoir des élus, mais les raccourcis n’existent pas : notre stratégie électorale ne doit pas être un frein à notre développement politique, mais un outil au service de la propagation de nos idées.
 
 
Lorsque que l’on observe la manière dont tourne la primaire de la gauche, Jean-Luc Mélenchon a-t-il eu raison trop tôt en refusant d’y participer ?
Jean-Luc Mélenchon a eu raison tactiquement mais tort politiquement. Dès le début, il y a eu une incompréhension autour de la primaire. Il y a ceux qui y voyaient un moyen de remettre François Hollande sur les rails et les autres de porter justement une candidature alternative. Et tant que cette ambiguïté n’est pas réglée, il sera difficile d’organiser une primaire. Par contre, politiquement, l’appel à la primaire, et c’est pour ça que je l’ai soutenu, a eu ce bénéfice de poser la question du bilan de François Hollande. De questionner sa légitimité et d’imposer l’idée, une première dans la Vème, qu’un Président en exercice, pour se représenter, doit se confronter à son bilan pour pouvoir être candidat. Mais la question première est celle du fond, à savoir le socle commun qui peut rassembler le camp de la transformation.
 
« Mélenchon risque d’être le Chevènement de 2017 »
 
Plusieurs sondages récemment publiés mettent en lumière, à un an de la présidentielle, un paysage à gauche très éclaté, avec un Emmanuel Macron très haut dans les sondages, un Jean-Luc Mélenchon qui confirme son assise à la gauche de la gauche et des personnalités écologistes qui peinent pour le moment. Quelle analyse en faites-vous ?
Je note d’abord que les Français ne mettront pas au second tour un candidat se revendiquant du bilan de François Hollande. Que ce soit lui ou un autre. Ensuite, Ce que je vais dire est dur et injuste mais je ne pense pas que le score de Jean-Luc Mélenchon soit durable.  Il risque d’être le Chevènement de 2017. Pour une raison de fond : il est trop englué dans des vieux schémas, notamment sur les questions de politique internationale. Pour l’instant l’opinion lui accorde la palme de la contestation. Mais le moment venu cela ne suffira pas : l’alternative réclamée doit porter des solutions et être positive.
« Dans cette campagne, nous pouvons rendre crédible l’idée d’une présidence écologiste »
Nous l’avons vu lors des quatre dernières partielles, EELV est le seul parti politique à augmenter en nombre de voix par rapport à 2012. Le FN perd des voix, le PS perd près de 80 % de ses électeurs. Dans le fief de Jean-Marc Ayrault, nous, nous gagnons en nombre de voix et nous faisons 17%. Nous avons donc un espace. A nous de savoir l’occuper. Cette présidentielle ne ressemblera à aucune autre : elle est très ouverte. Dans cette campagne nous pouvons rendre crédible l’idée d’une présidence écologiste. J’ai la conviction que nous pouvons créer une surprise. Tous les talents de l’écologie doivent se réunir pour rendre cette perspective possible.
 

Powered by WPeMatico

This Post Has 0 Comments

Leave A Reply