Une journaliste a enquêté sur l’islamisation du quartier où elle a habité, celui de la rue Jean-Pierre-Timbaud, dans le XIe arrondissement de Paris. Une artère sous l’influence de la mosquée Omar. Entre bobos et barbus, un récit édifiant, émouvant et glaçant.
Géraldine Smith a longtemps arpenté la rue Jean-Pierre-Timbaud, cette longue artère parisienne qui court du sud du boulevard de Belleville jusqu’au boulevard du Temple, entre le XIe et le XXe arrondissement de Paris. Elle disait sa fierté d’habiter ce quartier populaire et mélangé. Ses enfants étaient scolarisés dans une petite école catholique qui accueillait beaucoup de musulmans, un établissement mitoyen de la mosquée Omar. Sous l’influence de ce haut lieu de l’islam radical, elle a vu le haut de la rue évoluer en une dizaine d’années, devenir un coin d’asphalte où les librairies intégristes évincent le petit commerce, où les femmes ne se risquent plus à se promener bras nus.
Exilée depuis aux Etats-Unis, cette journaliste a continué à s’intéresser à cette enclave salafiste au cœur du pays des bourgeois bohèmes. En janvier 2015, elle tombe en arrêt devant la photo de la licence de foot des frères Kouachi, les assassins de Charlie Hebdo, des gamins de l’Est parisien. « Les bourreaux, comme les victimes, faisaient partie de mon monde, cela m’a foudroyée », écrit-elle. Pour comprendre et expliquer, elle a retraversé l’Atlantique. Mené une minutieuse enquête à l’ombre de la mosquée, retrouvé ceux qui il y a dix ans jouaient avec ses enfants, interrogé les commerçants. Elle découvre qu’une cohabitation hostile s’est installée entre deux groupes qui s’ignorent ou se défient, c’est selon : les bobos et les barbus. Un récit glaçant, avec pour décor la capitale.
« Le climat se dégrade insidieusement rue Jean-Pierre-Timbaud. […] A cette époque, les voyages scolaires habituellement organisés pour les élèves du CE2 au CM2 sont tout bonnement supprimés. Une majorité de parents musulmans refusant désormais de laisser partir leurs filles, par peur de la promiscuité avec les garçons, l’école ne parvient plus à atteindre le minimum d’élèves requis pour monter une « classe verte », un séjour à la montagne. Et encore moins le voyage en Angleterre que les institutrices faisaient miroiter comme récompense aux enfants depuis le CE1. […] La recomposition des équipes de football, la suppression des voyages ne sont que le reflet, chez les gamins, de la désintégration qui est à l’œuvre dans la rue. Sur fond de crise économique perpétuelle, il y a eu le 11 septembre, l’invasion de l’Irak, les grèves contre la réforme du système des retraites, voire la « canicule » de 2003 et, sans doute, bien d’autres choses encore.
La France va mal : elle voulait croire qu’elle avait une « certaine idée » d’elle-même mais, là, elle n’a plus d’idées ni de certitudes du tout ; elle balance entre le grand mélange du « métissage » et la Première Gorgée de bière et autres plaisirs minuscules d’un passé plus imaginaire que réel ; Raffarin-le-rond puis Villepin-l’agité sont Premiers ministres ; Sarko-le-Kärcher à l’Intérieur. Bizarrement, dans cet entre-deux où tout vaut tout et son contraire, la crise des banlieues de la fin de l’année 2005 passe quasiment inaperçue à Couronnes. A la lisière du XIe et du XXe, on ne brûle pas de voitures. On y est déjà trop engagés dans un jeu de go, dans le silence. L’enjeu est territorial. De part et d’autre, on pousse ses pions, sans piper mot. A tel point que beaucoup d’entre nous ne s’aperçoivent de rien ou se disent et répètent aux autres, face aux indices s’accumulant : « Mais c’est calme ici. » Avec le recul, cette phrase est devenue pour moi le Kyrie eleison d’un « positivisme » compulsif, l’aveu qu’on ferme les yeux pour mieux ne rien entendre. »
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