La procédure de destitution qui menace la présidente brésilienne Dilma Rousseff, soumise au vote à la Chambre des députés ce dimanche 17 avril, a été validée à l’issue de dizaines d’heures de débat qui ont pris par moments des allures de mascarade…
« Que puisse de ma voix sortir le cri d’espoir de millions de Brésiliens (…), mesdames et messieurs (…), quel honneur le destin m’a réservé ». Par ces paroles empreintes de lyrisme, Bruno Araujo, député de l’opposition, a scellé le sort de Dilma Rousseff. La procédure de destitution qui menace la présidente brésilienne depuis plusieurs mois, soumise au vote à la Chambre des députés ce dimanche 17 avril, suivra bien son cours. 342 votes (les deux tiers) étaient nécessaires, Bruno Araujo a été le 342ème. « Je porte en moi nos luttes pour la liberté et la démocratie, c’est pourquoi je dis oui (à la destitution)« , a conclu l’élu PSDB (Parti de la social-démocratie brésilienne) de Pernambouc, un état du nord-est du pays, à l’issue de près de quarante heures de débat.
Le gouvernement – soupçonné d’avoir maquillé les comptes publics et éclaboussé par le scandale de corruption Petrobras – n’a toutefois pas attendu la fin des festivités pour admettre sa défaite. Selon O Globo, principal quotidien du Brésil, il a choisi de se prononcer dès 20h00, alors qu’il n’avait encore enregistré « que » 195 voix contre son maintien. Dilma Rousseff, qui devait initialement faire une déclaration à la presse, a renoncé, laissant ses ministres fidèles déplorer une fois encore les atteintes portées à « l’Etat de droit. »
Les députés, en liesse, se sont eux longuement félicité. Drapeaux sur les épaules, affiches, pancartes, cris, bousculades : ils ont fait le show. L’Histoire retiendra notamment l’intervention d’un certain Wladimir Costa, du parti Solidariedade. Jadis soutien du Parti des Travailleurs, (de gauche), dont sont issus Dilma Rousseff et son prédécesseur Lula da Silva, il n’hésite plus dorénavant à comparer les cadres du PT aux chefs du crime organisé. « Dilma et Lula ont tiré une balle en plein coeur dans l’âme du peuple brésilien », s’est-il en effet exclamé, avant de sortir lui-même une sorte de bombe à confettis qu’il a théâtralement fait exploser pour agrémenter sa burlesque intervention.
Wladimir Costa, qui défend avec tant d’énergie l’intérêt du peuple, fait cependant partie des députés brésiliens les plus absentéistes. Sur les 125 séances qui se sont tenues en 2015, il n’ a assisté qu’à une vingtaine. Qu’importe, le Brésil n’est pas à un paradoxe près. Un autre, et non des moindres, étant qu’un certain nombre de parlementaires de tous bords qui dénoncent aujourd’hui la corruption sont eux-mêmes impliqués dans les différents scandales qui ont éclaté ces dernières années au Brésil.
Ce qui a donné lieu à plusieurs séquences ubuesques comme lorsque le propre président de la Chambre des députés, le centriste Eduardo Cunha, du Parti du mouvement démocratique brésilien (PMDB), s’est vu traiter de « gangster » en plein débat par un député de Rio de Janeiro. Personnellement visé par l’affaire Petrobras, Eduardo Cunha est de fait accusé par la justice de détenir un compte en Suisse, où il aurait déposé plusieurs millions de reais provenant de commissions illicites. Prudent, l’intéressé avait bien tenté de contenir l’hémicycle. Mais il n’a pas pu éviter l’immense banderole sur laquelle on pouvait lire, juste derrière sa tête en lettres rouges : « Dégage Cunha ». Sur les 21 députés poursuivis à ses côtés, 16 ont aussi voté en faveur de la destitution de Dilma devant des millions de Brésiliens qui ont pu assister au spectacle, en direct, à la télévision.
Les Sénateurs, appelés à se prononcer d’ici à la fin mai sur le sujet, ne sont pas en reste. Une dizaine d’entre sont également mêlés au scandale de corruption qui fait aujourd’hui vaciller le PT. Décidront-ils de suivre l’avis des députés ?
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