Un an avant les élections de 2017, l'état des lieux

La France n’est plus régie par le bipartisme. Elle est désormais coupée en quatre : la gauche de gouvernement, la gauche d’opposition, la droite de gouvernement, et la droite populiste. Que s’est-il donc passé ?

On avait dit, à l’issue des élections régionales de l’automne dernier, que la France n’était plus régie par le bipartisme, puisque désormais elle se divisait en trois blocs électoraux d’importance comparable : la gauche, la droite et le Front national.

Eh bien, il faut déjà remettre en cause ce constat : en prévision des prochaines échéances, présidentielle et législatives de l’an prochain, la France est bel et bien coupée en quatre : la gauche de gouvernement, la gauche d’opposition, la droite de gouvernement, la droite populiste.

Que s’est-il donc passé ? Entre-temps les divisions au sein du bloc de gauche se sont accentuées, et il est désormais exclu, primaire ou pas, qu’elle se présente unie au premier tour de la présidentielle. Nous sommes entrés depuis peu dans une sorte de quadripartisme.

Si encore chacun de ces partis était homogène et discipliné, des solutions seraient envisageables. Mais non ! La conduite de la France ressemble de plus en plus à cette brouette de grenouilles évoquée par François Bayrou, remplie de bestioles qui, à chaque instant, sautent du véhicule dans toutes les directions. Comme si tous les efforts consentis par Charles de Gaulle et François Mitterrand pour rendre ce pays gouvernable, le premier en faisant adopter par les Français un système présidentiel majoritaire, le second en transformant la gauche en parti de gouvernement, avaient été réduits à néant. Voici donc, à un an d’un scrutin décisif, comment se présente la situation. Commençons par le pire, c’est-à-dire par la gauche.

1. La gauche de gouvernement

La gauche de gouvernement est dans une des situations les plus difficiles qu’elle ait connues depuis les débuts de la Ve République : elle est au pouvoir, mais elle n’a plus de majorité. Les deux tentatives de François Hollande pour passer en force et imposer la suprématie de l’exécutif, sur la déchéance de nationalité et sur la réforme du code du travail, ont échoué. Pour la première, il a dû lui-même faire publiquement le constat de son impuissance. Pour la seconde, le détricotage est en cours. Tout se passe désormais comme sous la IVe République, quand les deux oppositions, gaulliste et communiste, qui n’étaient d’accord sur rien, collaboraient en tout pour rendre impuissante la Troisième Force. La conduite de la France ressemble de plus en plus à cette brouette de grenouilles évoquée par François Bayrou

L’impopularité du président, qui est à la fois cause et conséquence, ajoute encore aux difficultés de la « minorité présidentielle ». En revanche, ce qu’elle perd en extension, elle le gagne en cohésion. Si François Hollande décide d’être candidat, il bénéficiera de l’appui sans faille de son carré de fidèles. S’il renonce, cet appui se reportera automatiquement sur Manuel Valls ; ni Arnaud Montebourg à gauche ni Emmanuel Macron à droite ne semblent pour le moment en état de lui faire concurrence. La situation de la gauche de gouvernement n’est pas désespérée ; mais elle n’est plus maîtresse de son avenir ; elle est obligée de compter sur les fautes de ses adversaires.

2. La gauche d’opposition

On n’y compte pas moins de cinq tronçons condamnés à se partager les 12 à 15 % de voix qui leur sont promises à la présidentielle, et sans doute beaucoup moins aux législatives qui suivront. Ce sont, de gauche à droite, les trotskistes, eux-mêmes divisés, comme à l’ordinaire, entre Lutte ouvrière et le Nouveau Parti anticapitaliste d’Olivier Besancenot. De ce côté-là, rien de nouveau : ce sont des résidus de débris, à qui la survie tient lieu de programme.

Il en va de même du Parti communiste, que seuls le souvenir d’un grand passé et des reliquats d’implantation municipale maintiennent encore la tête hors de l’eau. A quoi s’ajoutent des bribes de parti écologiste (EELV), qui suscitent plus l’intérêt des échotiers que celui des électeurs. Ils ont pour principal atout la sémillante Cécile Duflot, qui brûle de faire à la présidentielle une décimale de mieux (2,31 %) que la regrettée Eva Joly, d’heureuse mémoire. A quoi s’ajoutent désormais les frondeurs, frange du PS toujours prête à se détacher du tissu principal. Mais ils savent bien que sans leur étiquette en guise de cache-sexe ils sont des fugitifs à poil.

Paradoxalement, pour une mouvance qui se défie des personnalités et qui feint de ne croire qu’aux programmes, le principal atout de cette gauche radicale est une personnalité inclassable et solitaire, mais ravie de jouer les empêcheurs de voter en rond : Jean-Luc Mélenchon, dont le rôle historique est loin d’être assuré, mais qui a d’ores et déjà une place dans l’histoire des médias, avides de loups-garous diseurs de bons mots. Convaincu de faire à la prochaine présidentielle un score à deux chiffres, ce qui est une raison sociale à soi seul, c’est lui et non François Hollande qui, en annonçant sa candidature, a tué dans l’œuf l’idée de primaire de la gauche.

(…)

 

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