Le très chiraquien sénateur-maire de Troyes apportera dans quelques mois son soutien à Nicolas Sarkozy dans la course à la présidentielle. Ce qui unit les deux hommes ? L’envie de battre Alain Juppé…
Nicolas Sarkozy et François Baroin, un duo en campagne dès la rentrée 2016 ? C’est l’hypothèse évoquée par Le Monde ce jeudi 14 avril. Selon le quotidien, le patron de Les Républicains et son ancien ministre « ont noué un pacte à l’été 2015 ». Sarkozy aurait promis à Baroin de le nommer à Matignon en cas de retour à l’Elysée en 2017, en échange de son soutien lors d’une campagne qui s’annonce compliquée pour l’ancien chef de l’Etat, distancé par son rival Alain Juppé dans les sondages. Certains sarkozystes interrogés par Le Monde parlent même d’un « ticket » à l’américaine : dès l’annonce de sa candidature à la primaire cet été, Nicolas Sarkozy ferait part publiquement de son intention de nommer François Baroin Premier ministre. « Je ne vois que des avantages à ce scénario car leur attelage est très complémentaire », s’enthousiasme ainsi Eric Ciotti dans les colonnes du journal.
Pourtant, parmi les proches de Nicolas Sarkozy, tout le monde n’est pas aussi enchanté par l’idée que le député des Alpes-Maritimes. « Je n’y crois pas une seconde », nous confie un parlementaire ultra-sarkozyste. Qui confirme, en revanche, ce qui est devenu un secret de polichinelle : François Baroin roulera pour l’ancien chef de l’Etat le temps venu. « Il soutiendra Sarkozy », assurait récemment un autre fidèle, Brice Hortefeux. Ce sera probablement début juin, à l’issue du congrès de l’Association des maires de France (AMF), dont il est le président. « Si Baroin s’affiche avec lui devant 1.000 maires de droite, ça ferait une belle mise en scène », explique un proche, qui savoure d’avance l’effet produit. Dans l’entourage de Nicolas Sarkozy, on préfère mettre en garde contre la « politique-fiction ». Tout en disant beaucoup de bien de François Baroin, avec qui l’ex de l’Elysée cultiverait « une vraie relation d’amitié ». « C’est quelqu’un de confiance sur qui Nicolas Sarkozy pourra compter s’il devait être candidat », vante-t-on.
A l’automne dernier, Baroin s’est attiré les foudres de la frange droitière du parti dans la polémique sur les crèches de Noël.
Il faut dire que pour les sarkozystes, Baroin est une belle prise de guerre. D’abord parce que l’homme a du réseau : sénateur et patron des maires de France, voilà une jolie carte de visite pour tisser des relations parmi les élus locaux, dont le soutien est précieux. Et puis « il est tout neuf », s’enflamme un sarkozyste : à 50 ans, l’allié Baroin permettrait de faire de l’ombre à un Bruno Le Maire, chantre autoproclamé du « renouveau ». Surtout, c’est un chiraquien pur jus. Un joli pied de nez à Alain Juppé, que Chirac avait qualifié de « meilleur d’entre nous », mais qui n’est pourtant pas suivi par tous les fidèles de l’ancien président.
Pourtant, a priori, le pacte Sarkozy-Baroin a tout pour surprendre. Les deux hommes se sont affrontés lors de la présidentielle de 1995, lorsque le premier avait pris le parti d’Edouard Balladur tandis que le second soutenait Jacques Chirac. Par ailleurs, toute sa carrière politique, François Baroin a cultivé un profil modéré, plutôt ancré au centre-droit. On est loin du débat sur l’identité nationale – d’ailleurs vigoureusement critiqué à l’époque par Baroin – et des multiples autres saillies sarkozystes inspirées de la ligne Patrick Buisson. « François Baroin a quand même un parcours de droite assumé. Ce n’est pas non plus Jean-Marie Bockel ! » plaide un proche de Nicolas Sarkozy. Il n’empêche : à l’automne dernier encore, le maire de Troyes s’est attiré les foudres de la frange droitière des Républicains, lorsque l’AMF a édité un guide de la laïcité dans lequel on lisait notamment que la présence de crèches de Noël dans les mairies n’était pas « compatible avec la laïcité ». Pas vraiment raccord avec l’exaltation régulière des « racines chrétiennes » de la France par Sarkozy…
Baroin assure qu’il ne travaillera « plus jamais » pour Juppé.
Alors où faut-il chercher la raison de cette alliance contre nature ? Principalement dans des règlements de comptes personnels. Le chiraquien Baroin nourrit en effet une profonde détestation d’Alain Juppé, comme le racontait l’an dernier une enquête fouillée de L’Express. « Juppé n’a pas changé. Il souffre d’un autocentrisme », confiait-il alors à l’hebdomadaire. François Baroin n’a pas pardonné à Alain Juppé de l’avoir écarté du poste de porte-parole de son gouvernement en 1995. Il l’accuse aussi de lui avoir fermé les portes du gouvernement Raffarin en 2002. Et il lui reproche enfin de ne l’avoir pas soutenu pour succéder à Christine Lagarde à Bercy, lorsque celle-ci a été nommée au FMI en 2011. Et pour que ce soit bien clair, François Baroin a encore dit sa façon de penser à l’auteur d’un récent livre sur Alain Juppé* : « Je ne travaillerai plus jamais pour lui, même s’il est élu président de la République. Je ne veux plus être mis sous la tutelle de cet homme-là. »
« François Baroin est un aigri qui m’en veut », réplique Juppé dans le même ouvrage. « Je n’ai pas soutenu sa candidature pour le ministère de l’Economie en 2011 parce que je pensais qu’il n’avait pas la carrure. » Visiblement, le maire de Troyes a trouvé plus de réconfort dans la maison sarkozyste. Même si c’est au prix de compromissions qui, lorsque la campagne entrera dans le dur, pourraient poser quelques problèmes.
*Lapins et merveilles, de Gaël Tchakaloff, Flammarion
Powered by WPeMatico
This Post Has 0 Comments