Nous étions avec Claude Guéant lorsqu'il a appris être au coeur d'une nouvelle affaire d'écoutes

Il est 11h30 ce mardi lorsque l’ancien ministre de l’Intérieur découvre, dans son bureau, en notre présence, la une du « Monde ». Le quotidien du soir révèle que son adversaire de la législative de 2012 avait été mis sur écoutes par la DGSE… et qu’il fait office de coupable tout désigné. « Marianne » a assisté aux toutes premières réactions de Claude Guéant. Faire espionner son principal rival ? « Quel est l’intérêt d’écouter Thierry Solère ? »

Mardi 12 avril, 11h30. Posé sur son bureau d’avocat, avec vue sur l’Hôtel Prince de Galles, le téléphone portable de Claude Guéant vibre sans cesse en notre présence. Les lèvres pincées, la voix crispée, le teint pâle, on serait troublé à moins. L’un de ses conseillers vient de lui envoyer par mail les premières lignes de l’article que publie cet après-midi le quotidien Le Monde. « Quand la DGSE espionnait le rival de Guéant », c’est le titre. Pour ajouter à la tension, un journaliste d’ITélé vient de l’appeler pour lui glisser qu’ « ils » auraient aussi fait écouter Rachida Dati, l’ancienne Garde des Sceaux. L’ancien ministre de l’Intérieur en a vu d’autres. Cette première page, « c’est dingue », lâche-t-il, visiblement sonné par cette nouvelle tuile. « J’en ai vraiment ras-le-bol », dit-il doucement, avant de prononcer le message qui devrait le mettre à l’abri : « Les écoutes de la DGSE (NDR : direction générale de la sécurité extérieure) sont décidées par le Premier ministre sur proposition du ministre de la Défense. Il y a une procédure pour ça. Pourquoi écouter hors procédure une personnalité politique ? »

Pourquoi, c’est la bonne question. Thierry Solère était à l’époque son rival dans les Hauts-de-Seine lors des législatives de 2012. Un simple conseiller municipal, doublé d’un conseiller général, pour lequel « on » aurait mobilisé les grands moyens, ceux de la DGSE, juste pour lui faire plaisir à lui, ministre de l’Intérieur ? « Je n’ai jamais rien demandé de tel, et ça ne m’est même pas venu à l’esprit », martèle Claude Guéant, qui a perdu le scrutin de 164 petites voix. Cela ne lui est-il vraiment jamais venu à l’idée, au cours du quinquennat de Nicolas Sarkozy, de puiser dans les moyens du bord pour organiser des écoutes « sauvages », hors de tout cadre légal ?

« Je n’ai jamais eu connaissance d’écoutes hors des circuits officiels, insiste M° Guéant, mais le téléphone sonne. Une chaine de télévision, qui veut une réaction. « J’avais calé un entretien avec Jean-Pierre Elkabbach sur Europe demain matin [avant d’apprendre la nouvelle, ndlr], répond-t-il. Je ne m’exprimerai pas avant ». On évoque le nom de celui qui dirigeait à l’époque la DGSE, Erard Corbin de Mangoux. Claude Guéant n’esquive pas, ce serait difficile : avant de prendre la tête de l’espionnage français, ce haut fonctionnaire oeuvrait dans le département des Hauts-de-Seine, comme directeur général des services, quand Nicolas Sarkozy trônait au conseil général. « Je le connais, même si ce n’est pas un proche, mais s’il a décidé de placer sur écoute mon concurrent aux législatives, il ne m’en a jamais parlé avant. Je vous assure que je n’ai jamais vu le moindre relevé d’écoute, ni la moindre transcription. S’il l’a fait, c’est certainement pour un autre mobile, relevant de la sécurité intérieure ».

Nouvel appel d’un journaliste, que Claude Guéant éconduit poliment comme le précédent : Elkabbach aura l’exclusivité. Nouvel accès de faiblesse : « Une première page, c’est dingue ! Si on avait organisé ces écoutes pour me faire plaisir, on m’en aurait quand même parlé ! »

Cité dans le Monde, le préfet Hugues Moutouh, ex-pilier de la Sarkozy, le rassure au même moment par SMS en jurant qu’il n’a jamais tenu les propos que lui prête le journal : « Je fais un démenti formel, c’est une honte ».  

« Qui cherche-t-on à atteindre ? s’interroge celui qui fut aussi secrétaire général de l’Elysée. On ne peut pas exclure une manipulation pure et simple, lâche l’ancien ministre. Contre moi, mais surtout contre Sarkozy. On me porte un coup, on le porte à Sarkozy. On jette la suspicion sur la façon dont les services étaient commandés. Parce que je vous le répète : cette histoire, pour moi, n’existe pas ».

On insiste. Le Monde a l’air d’appuyer ses informations sur des éléments sûrs. « C’est contraire à mes principes, s’exclame Claude Guéant. Et puis je ne suis pas complètement idiot ! C’est nous qui avons supprimé les RG (Renseignements généraux), précisément pour éviter ce genre de chose. Ce n’était pas pour recommencer ! Jamais de ma vie je n’ai utilisé de tels moyens ! Et puis quel est l’intérêt d’écouter Thierry Solère ? »   

 

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