Jean-Marie Le Guen et le cannabis: de l’utilité politique du pétard

Voilà que le ministre des Relations avec le Parlement ressort le dossier « dépénalisation du cannabis », pile au moment où les jeunes s’inquiètent de la loi El Khomri… vous avez dit grosse ficelle ?

Jean-Marie Le Guen se souvient parfois de son métier d’origine, la médecine, qu’il ne pratiqua jamais qu’à titre de cadre des mutuelles puis de spécialiste des politiques de santé publique, au PS et dans l’exercice de ses mandats, à la Mairie de Paris et à l’Assemblée Nationale. Sa prise de position en faveur de la légalisation du cannabis ne surprendrait pas s’il n’était ministre des Relations avec le Parlement du gouvernement Manuel Valls. Le Premier ministre ne cache pas son opposition à toute évolution de la législation française, que Jean-Marie Le Guen n’hésite plus à comparer avec la prohibition de l’alcool, qui fit la fortune de la mafia italo-américaine.  

Le Guen surprend d’autant plus qu’il a défendu et voté, en tant que député socialiste, toutes les mesures telles l’interdiction de la vente de tabac aux mineurs, l’augmentation des prix et la prohibition de la fumée dans les lieux publics. La ficelle semble aussi épaisse que la fumée des gaz lacrymogènes dispersant de jeunes manifestants sur la Place de la République. Les jeunes s’inquiètent de la loi El Khomri et de leur entrée dans la vie active et Jean-Marie Le Guen lance un débat public sur la légalisation de la fumette !

Le seul moyen d’éviter la déroute totale en 2017, serait, bien sûr, de quitter le terrain de l’affrontement social pour retrouver de grands débats de société. Histoire de rappeler à la jeunesse que le quinquennat en voie d’achèvement avait commencé par l’institution mariage pour tous, en dépit des cris d’orfraie de l’affreuse droite réactionnaire. La différence entre la droite et la gauche était alors visible. Pourquoi ne pas recommencer avec le cannabis ? A défaut d’un véritable débat sur la santé publique et les effets de la prohibition sur la sécurité des quartiers, cela fera une belle diversion.

Thorez et le rapport « secret » de Khrouchtchev

Le Guen connaît ses classiques, appris non dans les amphis de médecine, mais dans les cercles trotskisants où l’on passait au scalpel l’histoire du communisme. Il sait, Le Guen, comment Maurice Thorez, chef historique du PCF, avait réussi, en 1956, à esquiver le débat sur le rapport « secret » de Nikita Khrouchtchev reconnaissant les crimes de Staline. Ou du moins, une petite partie de ces crimes, mais les communistes français, qui avaient adulé Staline et croyaient encore au paradis soviétique, ne pouvaient supporter le choc. Directement impliqué, Maurice Thorez refusait de rendre des comptes. Comme il ne pouvait défendre ouvertement Staline contre son héritier indigne, il chercha une diversion.

Son épouse, Jeannette Vermeersch dénonça alors le « birth control », autrement dit la pilule, comme un moyen mis au point par l’impérialisme américain pour mieux asservir la classe ouvrière et le peuple de France en contrôlant la reproduction. Et Jeannette en rajouta, en opposant la dignité des mères de France à cette tentative de corruption des mœurs ourdie par une bourgeoisie dépravée, et, pour tout dire couchée devant l’impérialisme américain.

C’était énorme, mais la provocation secoua le PCF et ses organisations. Les militants les plus naturellement progressistes oublièrent Staline pour se précipiter dans la critique des dérives réactionnaires de Jeannette Vermeersch. Les opposants à la ligne du parti furent accusés de promouvoir la décadence bourgeoise quand la presse communiste exaltait la vertu de la femme du peuple, la mère de famille, qui donnait des enfants à la classe ouvrière et préparait la gamelle du prolétaire. Le débat s’était déplacé : libération des mœurs ou défense de la famille ouvrière… Plus tard, les députés communistes voteront tout de même la loi Neuwirth autorisant la contraception, puis la loi Veil légalisant l’IVG.

Mais les communistes ne parviendront jamais à mener un véritable débat interne sur le stalinisme et la nature de l’URSS, proclamant jusqu’à l’extrême fin, que son bilan était globalement positif. La recette a de quoi faire rêver Jean-Marie Le Guen ! Le calamiteux bilan social de Manuel Valls et François Hollande masqué par une grande polémique portant sur la légalisation du cannabis, la droite contrainte de montrer son visage réactionnaire, la gauche porteuse d’une liberté nouvelle… Mais ce vieux pétard est tellement mouillé que nul n’a envie de le prendre quand Jean-Marie Le Guen tente de le faire passer.

 

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