Dans un communiqué, le groupe rebelle syrien Jaysh al-Islam a annoncé que l’un de ses leaders passerait devant une cour martiale pour avoir utilisé des « armes prohibées » lors d’affrontements à Alep avec les YPG, les forces kurdes syriennes. Des armes chimiques, semble-t-il. Ce qui jette le trouble sur la stratégie d’alliance de la coalition internationale, qui se repose sur le terrain sur Jaysh al-Islam dans sa lutte contre Daech.
Les ennemis de mes ennemis sont-ils nécessairement mes amis ? C’est la question qui se pose après les révélations sur les affrontements qui ont eu lieu cette semaine à Alep, en Syrie, entre le groupe Jaysh al-Islam et les YPG (les forces kurdes syriennes), qui tentent tous deux de reprendre la main sur la ville. Dans un de ses quartiers, contrôlé par des combattents kurdes syriens, des armes chimiques auraient été utilisées par le groupe de rebelles « modérés » syriens. Sur des vidéos des affrontements mises en ligne sur Internet, on peut ainsi voir une fumée épaisse et jaune s’élever dans le ciel après des explosions.
Dans un communiqué publié le 7 avril, le porte-parole du groupe syrien reconnaît que lors « d’affrontements avec des YPG pour le contrôle du quartier de Sheik Maksoud (…) un des leaders de Jaysh al-Islam d’Alep a utilisé des armes qui ne sont pas autorisées dans ce genre de confrontations, ce qui est constitutif d’une violation des régles internes du groupe Jaysh al-Islam ». Le communiqué indique également que ce commandant « a été déféré devant la justice militaire pour recevoir une punition appropriée ».
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— Jaysh Al Islam (@JayshAI_CPSQ) 8 avril 2016
Le groupe Jaysh al-Islam, constitué depuis 2011, compte parmi ses soutiens des pays du Golfe ainsi que les Etats-Unis. Ce qui pose tragiquement la question de la stratégie sur le terrain contre Daech. D’abord parce que ces « islamistes modérés » ont un temps copiné avec Daech : ils leur avaient ouvert les portes de Raqqa en 2013 avant de se faire trahir par ces derniers. La frontière entre eux et les djihadistes de l »EI peut s’avérer très mince, fluctuante même au grè des circonstances. Ensuite, parce qu’ils mènent une guerre ouverte contre les forces kurdes de Syrie, alors même que les YPG sont un rempart très efficace dans le nord de la Syrie contre les forces de Abou Bakr al-Baghdadi, le « Calife » auto-proclamé de l’Etat islamique.
« Dans le canton et la ville éponyme d’Afrin (ouest du Rojava), la situation est beaucoup plus difficile et instable, expliquait ainsi Nasrin Abdallah, commandante en chef des YPJ, les unités de combattantes kurdes au Rojava (Syrie), dans un entretien à L’Humanité. Comme à Kobané, l’an dernier, nous sommes attaqués sur quatre fronts, par tous les groupes terroristes : le Front al-Nosra, Jaysh al-Islam, Ahrar al-Sham… et d’autres groupes armés. Nous sommes constamment sous la menace de leurs assauts contre la ville, qu’ils tentent de prendre ». Des assauts alors même que les Kurdes dans leur diversité obtiennent de nombreuses victoires contre Daech sur le champ de bataille et que les Forces démocratiques syriennes (FDS) ont récemment été créées sous l’impulsion des Kurdes de Syrie. Ce groupe rassemble des Kurdes, des rebelles arabes de l’ASL (Armée syrienne libre) et des milices chrétiennes, et bénéficie du soutien des Etats-Unis. On marche sur la tête.
Comble de l’absurdité, lors des négociations pour la paix en Syrie à Genève, les Kurdes avaient été priés de rester à la porte alors même que deux représentants des rebelles armés de Jaysh al-Islam et Ahrar al-Cham étaient présents lors de ces discussions. Le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov – qui avait donné son feu vert à leur présence – avait tenu à préciser tout de même qu’ils n’étaient là qu’à « titre personnel » et n’étaient pas considérés comme « des partenaires dans les négociations »...
Cette stratégie ambiguë de soutien à des groupes « modérés », s’est déjà retournée une première fois contre les Américains lors d’un récent programme d’entraînement mené par l’armée américaine. Lancé début 2015, celui-ci devait former et équiper quelque 5.000 Syriens par an sur trois ans pour venir renforcer les rangs des rebelles. Résultat, le commandement des forces américaines au Moyen-Orient a annoncé en septembre dernier la prochaine réforme du programme. Et pour cause, les premiers rebelles syriens, tout juste sortis de la formation, avaient, à peine posé le pied sur le sol syrien, remis une partie de leur équipement et munitions fournis par les Etats-Unis… au Front al-Nosra. Gênant.
En août 2012, Barack Obama avait prévenu que l’utilisation d’armes chimiques dans le cadre du conflit syrien serait une « ligne rouge » à ne pas dépasser.
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