Pour qui marche Emmanuel Macron ?

En créant son « mouvement », dénommé « En Marche », le ministre de l’Economie dévoile ses ambitions politiques. Si certains pensent déjà à lui pour 2017, d’autres se demandent s’il n’est pas téléguidé par François Hollande. En réalité, Emmanuel Macron marche sûrement plus pour lui-même. Décryptage.

  • Téléguidé ou pas par Hollande ?

Le bon élève Macron sait où se situent les limites dans le cadre de la Vème République : « Il n’est pas du genre à démissionner », nous confiait un de ses amis il y a plusieurs mois. Avant d’annoncer la création de son mouvement politique, il en a donc informé préalablement le chef de l’Etat, François Hollande. Question de bienséance. Ce qui a amené bon nombre de commentaires sur le caractère « téléguidé » de l’opération macronienne. Dans ce scénario, Hollande, en difficulté dans les sondages, utiliserait son chouchou au sein du gouvernement pour séduire les électeurs du centre et du centre droit, et affaiblir un peu plus Valls.

Certes, depuis la nomination de Macron comme ministre en août 2014, le président de la République a usé jusqu’à la corde cette carte. Mais ce n’est plus d’actualité. Depuis plusieurs mois, l’ancien protégé d’Hollande a pris de plus en plus de libertés vis-à-vis de son ancien mentor, allant jusqu’à donner en janvier son « joker » sur l’organisation d’une éventuelle primaire à gauche. A tel point qu’il a dû rappeler plusieurs semaines après – à la mi-mars – qu’Hollande restait le candidat naturel de la gauche en 2017…

Les deux hommes ont besoin l’un de l’autre.

Dans l’entourage du chef de l’Etat, personne n’est dupe : Macron se tient prêt à toute éventualité. Il n’y avait qu’à voir le peu d’enthousiasme de François Hollande sur l’initiative de son ancien préféré. Mais dans le même temps le ministre sait bien que son destin est lié à l’actuel monarque républicain. Les deux hommes ont besoin l’un de l’autre. Et manifestement, Macron préfère la prudence au panache, et donc rester à Bercy.

 

  • Quelle équipe derrière lui ?

Emmanuel Macron a beaucoup d’amis. « A Paris, tout le monde est proche d’Emmanuel ! », persifle un de ses ennemis. En effet, depuis que le ministre de l’Economie s’intéresse à la politique, il multiplie les rencontres (à travers de multiples dîners, déjeuners, petits déjeuners…), avec tout un tas de responsables, chefs d’entreprises, acteurs associatifs, artistes…

De cette manière, le jeune impétrant a réussi à se constituer l’un des carnets d’adresse les plus fournis de la place de Paris. Mais si Macron bénéfice de certains soutiens de poids dans le monde économique – comme l’homme d’affaires Henri Hermand, compagnon de route historique de Michel Rocard –, il reste en politique un homme solitaire à l’inverse d’un Manuel Valls qui a toujours su se constituer un clan. Ainsi, son cabinet ministériel à Bercy est principalement constitué de jeunes technos, peu rompus au combat politique.

Selon nos informations, il se cherchait d’ailleurs ces dernières semaines de potentiels conseillers politiques pour muscler son équipe, allant démarcher jusqu’à des proches d’Arnaud Montebourg ! Et question communication, on l’a vu encore mercredi soir, s’il parie sur les réseaux sociaux à la Obama, il utilise de vieilles ficelles de communicants professionnels où tout semble contrôlé au millimètre près au risque d’apparaître peu spontané.   

 

  • Les fans et les déçus

Les principaux fans de Macron restent les patrons – petits et grands. Tous sont déçus des quinquennats Sarkozy et Hollande, alors même que les deux présidents ont multiplié les attentions à leur égard. Au sein des milieux économiques, c’est la « méthode Macron » qui séduit le plus, faite de « dialogue » selon l’intéressé lui-même. L’épisode de la loi El Khomri l’a démontré une nouvelle fois : les coups de menton à la Manuel Valls passent de moins en moins dans l’opinion, alors que les patrons souhaitent retrouver un DSK capable de présenter le système capitaliste sous un jour souriant. Ainsi, depuis plusieurs semaines, ils sont de plus en plus nombreux à presser Emmanuel Macron de partir dès 2017 dans la bataille. « S’il se présente, je vais l’aider », nous confiait ainsi il y a quelques jours un de ses anciens collègues de la banque Rothschild.

S’il met un doigt dans la politique traditionnelle, il perd son avantage.

Dans ces alcôves économiques, le ministre Macron n’a pas fait pourtant que des heureux : « Il existe le club des déçus de Macron. Ces gens qu’il a séduit un jour mais s’aperçoivent qu’il ne leur a rien donné en retour, ou qu’il a fini par oublier une fois ministre », analyse ainsi un ancien proche. Deux experts du « modernisme », Jacques Attali et Alain Minc, qui aimaient autrefois se présenter comme les mentors du bébé Macron, considèrent ainsi en privé que leur ancien protégé a pris la grosse tête, et va trop vite.

Mais Macron sait bien qu’il est engagé dans une course contre la montre. Ses principales cartes finalement restent sa jeunesse, et le fait qu’il se situe hors de partis discrédités aux yeux de nombreux français. S’il met un doigt dans la politique traditionnelle, il perdra son avantage. Autre écueil pour l’ambitieux, et pas des moindres : plus il reste longtemps au gouvernement, et plus il sera comptable du bilan de François Hollande.

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