Crise des migrants : une Grèce bien esseulée

Principale entrée des réfugiés en Europe, le plus grand port de Grèce est en train de devenir une impasse géante. Depuis l’accord conclu entre Bruxelles et Ankara, qui institue le renvoi des migrants en Turquie, la déception y côtoie désormais l’angoisse. La Grèce se retrouve bien seule à devoir gérer cette crise pourtant européenne…

Pour aider la Grèce à accueillir les migrants qui continuent de s’échouer sur ses côtes, l’Europe a promis de nouveaux moyens. « 2 300 personnes, dont des traducteurs, des juges, des douaniers », « 1500 experts en droit d’asile », « 600 spécialistes de la sécurité » devaient notamment être envoyés en renfort. « 600 fonctionnaires et policiers [étaient] même d’ores et déjà prêts à partir », écrivait le Figaro, le 21 mars dernier, soit trois jours après la signature de l’accord scellé entre l’Union Européenne et la Turquie afin de résoudre la crise. A l’issue des premières 72 heures, aucun des agents promis n’était cependant arrivé « sur zone ».  

Sur place en revanche, l’entrée en vigueur de l’accord, qui prévoit le retour en Turquie de tous les migrants entrés de manière illégale en Grèce depuis le 20 mars, a eu des effets immédiats : les demandes d’asile ont explosé. Le processus de retour des migrants va par conséquent être mis sur « pause » pendant au moins 15 jours, le temps de pouvoir traiter leurs demandes, a annoncé mercredi 6 avril le ministre grec aux Affaires Européennes, Nikos Xydakis.

Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, menace quant à lui ses partenaires européens. « Si jamais l’Union (…) ne tient pas ses engagements, – le versement d’une aide de six milliards d’euros et surtout la levée en juin prochain des visas imposés par l’UE aux citoyens turcs – alors la Turquie n’appliquera pas l’accord », a-t-il déclaré ce jeudi 7 avril lors d’un discours à Ankara.

Prise en étau, la Grèce, déjà étranglée par l’austérité, s’organise. De l’Europe, elle ne recevra que 300 millions d’euros d’aide. Rien que depuis le début de l’année, ils sont pourtant près 150 000 migrants à avoir atteint les côtes hellènes. Parmi eux, 50 000 migrants (Syriens, Afghans et Irakiens essentiellement) seraient toujours sur le sol grec.

Sur le port du Pirée, le plus grand de Grèce, qu’a parcouru notre collaborateur Fabien Perrier à la fin du mois de mars, femmes et hommes s’amassent. Nikos Tsigonias, un membre du comité central de Syriza, en charge précisément de la question des migrants, aide les bénévoles. Si son leader, le Premier ministre Alexis Tsipras, a signé l’accord UE-Turquie, c’est « sous la pression d’un deuxième coup de force de l’UE, laquelle a déjà obligé le gouvernement à accepter l’accord du mois de juillet sur la politique d’austérité », explique-t-il.

Le problème de fond ? « Toute l’Europe nous laisse seuls », constate un chauffeur de car grec. Un constat partagé par de nombreux Grecs. Une bénévole s’agace : « Je me demande si un autre pays européen en fait autant dans cette crise. Pourtant, quand tu as le feu à ta porte, tu dois l’éteindre même si ta maison ne brûle pas ! » Une remarque de bon sens que l’UE ne semble pas encore avoir intégré. 

 

 

>>> Retrouvez l’intégralité du reportage « Migrants : l’illusion européenne échoue au Pirée » dans le numéro de Marianne en kiosques.

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