Les Visiteurs 3 ou le rire thermidorien

Celui qui est porte-parole de Jean-Luc Mélenchon en vue de la présidentielle de 2017 regrette l’image de la Révolution française et celle de Robespierre données par le dernier volet des « Visiteurs ».

En ces temps sombres, nous avons besoin de moment de bonheur et il faut être reconnaissant envers les auteurs des Visiteurs qui nous ont tant fait rire. Bonne nouvelle, ils reviennent ! Cette fois-ci, dans les Visiteurs 3, la toile de fond est la Révolution Française.

Il faut s’en réjouir car il est heureux que la Révolution, moment fondateur de nos principes républicains, soit le décor d’un film populaire. Assez rare pour être souligné. Il est toujours surprenant que malgré son immense portée émancipatrice, la filmographie soit bien maigre et surtout bien peu républicaine, voire défavorable à la Révolution. Hormis le pétillant Les Mariés de l’an II de Jean-Paul Rappeneau en 1971 (et la gauloiserie Liberté, égalité, choucroute de Jean Yanne en 1985), il est quasi impossible de trouver un grand film présentant cette période et, plus difficile encore, ne la traitant pas sous une face sombre comme par exemple le fit, avec un talent toutefois indiscutable, le Danton de Wajda en 1983.

Place donc à la Révolution ! Mais qu’est-ce qui nous est réellement présenté dans cette comédie ? Pour nos deux héros, le premier contact avec elle est une populace mise en délire par le spectacle d’un pauvre curé que l’on décapite publiquement. Puis, ils sont jetés dans une cellule aux milieux de nobles innocents qui vont être prochainement exécutés. Sans explication, un tribunal expéditif les condamnera à mort. Et ainsi de suite. Vous avez compris, les Visiteurs 3 s’inscrit donc encore dans cette lignée qui présente la Révolution Française sous un visage glaçant. Dommage.

Les Visiteurs 3 s’inscrit encore dans cette lignée qui présente la Révolution sous un visage glaçant. Dommage.

 

Sans passer pour un rabat-joie, un film qui sera vu par des millions de gens et marquera, plus ou moins leur imaginaire mérite qu’on en débatte un peu, ne serait ce que par respect pour les auteurs qui revendiquent un soin à l’écriture et à la recherche historique. La Révolution Française ne serait donc que moment absurde de violence et barbarie ? Pas d’accord, c’est pourtant ce que le film semble nous dire.

On a également du mal à se situer chronologiquement. Si l’on croit deviner que l’action se déroule au lendemain du 21 janvier 1793, puisque la mort de Louis XVI est évoquée, on se retrouve par la suite, au milieu d’un souper réunissant les principales figures du Grand Comité de Salut Public, tel Maxilimien Robespierre, Saint-Just, Couthon, Billaud Varenne et Collot d’Herbois. Cette instance ne se réunira pourtant qu’à partir du 27 juillet 1793, soit six mois plus tard. Le détail, à priori minime dans une farce, n’est pas sans importance puisqu’on nous donne à penser que c’est cette équipe là, et elle seule, qui serait responsable de toutes les exécutions et actes de violences commis durant la Révolution.

De plus, ce groupe semble sous l’emprise totale de « l’incorruptible », qui n’a qu’à lancer une consigne pour qu’elle soit approuvée séance tenante et sans discussion. Tout cela n’est pas exact. Alors certes, on pourra apprécier de voir ce même Robespierre tenir des propos admirables inspirés de ses authentiques discours « Nous sommes des gens de raison et de vertu », « Je hais la démagogie » « La femme est l’égale de l’homme et doit participer à la vie de la cité », etc… mais, in fine, il n’est qu’un personnage lugubre particulièrement soucieux des détails des arrestations et exécutions dans le pays.

Ce grand spectacle populaire écrira une petite page de la vieille légende noire de l’anti-robespierrisme.

Ce grand spectacle populaire écrira donc une petite page de la vieille légende noire de l’anti-robespierrisme et, au final, risque de faire douter le spectateur de l’utilité de la Révolution, alors qu’il serait si utile de la faire aimer encore et toujours. Bien sûr les aristocrates y sont moqués abondement, mais le pli idéologique est visible.

Bonne séance à tous ceux qui iront voir ces Visiteurs 3, rions de bon cœur, mais regrettons que ce film ne soit finalement qu’une oeuvre de son temps, une sorte d’humour thermidorien, où une vision contre-révolutionnaire convenue assimilant la Révolution à la Terreur, sert de fil conducteur. Si le rire est une insolence, on aurait aimé que les auteurs l’aient aussi par rapport au discours idéologique dominant. 

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