Michel Sapin remet le Panama sur liste noire… 6 semaines après l'avoir félicité

Le ministre des Finances Michel Sapin a annoncé ce mardi 5 avril que la France allait « réinscrire le Panama sur la liste des pays non-coopératifs » en matière fiscale. Une conséquence de l’enquête dite des « Panama Papers » qui clôt une parenthèse ouverte en 2012 par Nicolas Sarkozy. Mais ce dernier n’est pas le seul à avoir montré une attitude ambiguë vis-à-vis du paradis fiscal d’Amérique centrale…

A la réflexion, le Panama a peut-être bien sa place sur la liste des paradis fiscaux… Quatre ans jour pour jour après que la France l’en a retiré, le ministre des Finances Michel Sapin a annoncé ce mardi 5 avril que la petite république d’Amérique centrale allait être réinscrite sur la liste française “des Etats et territoires non-coopératifs (ETNC) en matière fiscale”. Le moins qu’on puisse dire, au vu des révélations des « Panama Papers »…

« La France a décidé de réinscrire le Panama sur la liste des pays non-coopératifs, avec toutes les conséquences que ceci aura pour ceux qui auront des transactions » avec lui, a déclaré Michel Sapin à l’Assemblée nationale, jugeant que ce pays avait fait croire, à tort, qu’il était « en capacité de respecter les grands principes internationaux« .

Le Panama était sorti de la fameuse liste le 4 avril 2012. Ce jour-là, François Baroin, ministre de l’Economie et des Finances de Nicolas Sarkozy et Valérie Pécresse, sa ministre du Budget, signent l’arrêté qui blanchit le pays. Un paraphe qui a valeur d’or pour le Panama : en validant son accord fiscal avec la France, le 12e avec un pays de l’OCDE, il satisfait les conditions pour sortir d’une autre liste noire, celle de l’OCDE.

Depuis, l’Europe et la France ont tout de même commencé à se dire que le Panama se moquait peut-être du monde. Le 17 juin dernier, la Commission européenne a ainsi publié une liste de 30 paradis fiscaux dans laquelle elle l’intégrait. Ce qui a eu le don d’énerver le président panaméen Juan Carlos Varela, lequel a menacé : « Nous n’allons pas permettre que l’on porte préjudice à l’image du Panama et si un pays nous garde dans ce genre de liste, l’an prochain à cette date nous appliquerons une loi de rétorsion« .

Sapin surveille mais Sapin félicite…

De son côté, Paris a déploré le 21 décembre dernier, par la voix de Michel Sapin, que « la coopération aux demandes d’information des autorités françaises (ne soit) aujourd’hui pas satisfaisante ». Annonçant une surveillance particulière « pour l’année 2016, la France sera très attentive à l’évolution des échanges avec Panama« , le ministre des Finances assurait que « la France veillera à la mise en œuvre effective des engagements de coopération pris en octobre dernier au Forum mondial, par cet Etat (et) tirera, courant 2016, les conséquences de l’évolution des pratiques du Panama« . Mais l’histoire serait trop simple si elle s’arrêtait là…

Depuis décembre, Michel Sapin a rencontré le ministre panaméen de l’Economie et des Finances, Dulcidio De La Guardia : il l’a même reçu, à Bercy, le 16 février dernier. Le lendemain commençait, au siège de l’OCDE à Paris, l’assemblée plénière du Groupe d’action financière (GAFI), un organisme intergouvernemental de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, créé par le G7 en 1989 et dont la France fait partie. Et qu’a fait le Gafi à cette occasion-là ? Loin de remonter les bretelles du Panama, il l’a… “félicité” pour “les progrès significatifs réalisés”, annonçant que le pays ne figurerait plus sur sa liste grise. De quoi faire se pavaner le Panama, dont l’ambassade à Paris a mis en ligne la photo de la rencontre à Bercy entre Michel Sapin et son homologue panaméen, accompagnée de cette glorieuse déclaration du dernier :

“C’est un triomphe de tous les Panaméens, d’un pays qui a travaillé ensemble, secteur public et privé, et réussi les consensus nécessaires pour sauvegarder les meilleurs intérêts de notre Nation. Cela a permis l’adoption et l’application d’une nouvelle réglementation qui positionne le Panama à l’avant-garde en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux”.

« De nouvelles opportunités pour les entreprises françaises au Panama »

A Bercy, on nie totalement tout lien entre les deux événements. « Michel Sapin a bien reçu le ministre du Panama mais au nom de la France, pas dans le cadre du Gafi », assure à Marianne son cabinet. Lequel ajoute qu’à cette occasion, le ministre français a « redit son souhait que le Panama se conforme aux règles internationales de transparence« . Quant au fait que deux jours plus tard, un organisme dont fait partie la France blanchisse le Panama, « ce sont deux choses différentes, balaie-t-on. Le Gafi avait décidé de retirer le Panama de sa liste grise car le pays avait, selon des critères bien précis inscrits dans un plan d’action, coopéré vis-à-vis de l’institution internationale et avait répondu à toute la réglementation que le Gafi lui avait demandé de mettre en place. Cette évaluation ne porte donc pas sur les mêmes critères, tout simplement« . « Tout simplement », il faut le dire vite.

La France n’aurait donc pas, selon Bercy, joint sa voix aux félicitations du Gafi. Ce n’est pourtant pas ce qu’a retenu son homologue, selon la presse panaméenne. Dans un article paru le 18 février, le journal La Prensa fait ainsi état d’une « réconciliation » entre Paris et Panama :

« Le voyage de la délégation panaméenne a également servi à se réconcilier avec la France, après que le ministre français des Finances Michel Sapin a déclaré (en décembre 2015, ndlr) que la coopération du Panama dans les demandes d’informations n’a pas été satisfaisante. ‘Les malentendus ont été clarifiés et finalement le ministre Sapin a félicité le Panama pour être parvenu à la sortie de la liste grise du Gafi‘, a conclu le numéro deux du ministère de l’Economie et des Finances. »

Et le ministre panaméen d’ajouter : « La réunion a été très fructueuse, car elle nous a permis d’explorer de nouvelles opportunités d’investissement pour les entreprises françaises au Panama et la coopération bilatérale. » Au cours de son périple parisien, il aura en effet pu faire le tour des grands groupes français, de Total à Suez en passant par… la Société générale, aujourd’hui citée dans le scandale des « Panama Papers ». Mais cela non plus, ça n’a sans doute rien à voir.

Un membre de la délégation du Panama semble se réjouir du nombre de cartes de visite « Société générale » amassées lors de cette visite à Paris. – Capture d’écran Ambassade du Panama

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