Pour le politologue Gilles Kepel, aucun de nos territoires perdus de la République n’est tout à fait semblable à Molenbeek. Cependant, la France compte un peu partout sur son territoire des foyers de djihadisme inquiétants. Un entretien à paraître dans « Marianne » en kiosques cette semaine.
Marianne : Le ministre de la Ville, Patrick Kanner, a créé une vive polémique en déclarant qu’une centaine de nos quartiers présentaient des similitudes avec le fief djihadiste de Molenbeek, en Belgique. Selon vous, y a-t-il des Molenbeek français ?
Gilles Kepel : En l’occurrence, il n’y a pas, comme tels, de quartier français qui présente l’ensemble des caractéristiques de Molenbeek. En revanche, on trouve sur le territoire national diverses enclaves où la prégnance du salafisme ou du gangstérisme est présente à des degrés variés.
Quelles sont ces caractéristiques spécifiquement molenbeekoises ?
G.K. : Cette commune du Grand Bruxelles présente un rassemblement de trois composantes exacerbées : 1. Un puissant système de criminalité organisé autour du kif (en provenance du Rif marocain) ; 2. La présence de planques pour les terroristes et de lieux de stockage d’armes, qui autorisent l’interpénétration du milieu des trafiquants d’armes avec le milieu djihadiste anciennement implanté (dès 2001, les deux assassins du commandant Massoud, deux Tunisiens, venaient de Molenbeek, et Mehdi Nemmouche en 2014 ou Ayoub el Khazzani, qui voulait mitrailler le Thalys en 2015, sont passés par Molenbeek) ; 3. Des politiques locales complaisantes envers les salafistes, qui ont pu y ouvrir de nombreuses mosquées incontrôlées. Dans un pays comme la Belgique, où l’Etat pâtit de l’antagonisme culturel entre Wallons et Flamands, le millefeuille sécuritaire brouille la prise de décisions, facilitant la délégation à des responsables communautaires douteux la gestion de ces populations.
« Chaque enclave possède une ou deux caractéristiques inhérentes à Molenbeek »
Qu’est-ce qui diffère, dans nos territoires perdus de la République ?
G.K. : En France, on retrouve ces trois composantes, mais moins concentrées, plus disséminées. Chaque enclave possède une ou deux caractéristiques inhérentes à Molenbeek. Dans notre pays, si les services de renseignement – et plus largement l’Etat – ont eu du mal à envisager le djihadisme de troisième génération, il règne entre les différents services de police une coopération incomparablement plus efficace qu’en Belgique. Sevran, en Seine-Saint-Denis, partage avec Molenbeek sa première caractéristique. C’est un territoire gangrené par les trafiquants de shit, et qui est devenu un point d’aboutissement des « go-fast », qui rapportent le kif depuis le Rif marocain. Un des aspects inquiétants de la situation à Sevran réside dans le nombre croissant de départs en Syrie. L’ampleur inédite de ces « vocations » a poussé de nombreuses mères à réagir et à se regrouper au sein d’un collectif. En matière de complaisance avec les islamistes, d’autres villes de la Seine-Saint-Denis, paradoxalement dirigées par la droite, ont été le théâtre d’un compromis avec la mouvance salafiste sur la base d’une hostilité commune au mariage pour tous.
>>> Retrouvez l’intégralité de cet entretien dans le numéro de Marianne en kiosques.
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