Alice Schwarzer : "Aujourd'hui l'antiracisme prime sur l'antisexisme"

Dans « Marianne » en kiosques cette semaine, la fondatrice et rédactrice en chef du magazine allemand « Emma » revient notamment sur les agressions sexuelles de Cologne et réclame un débat sur les femmes face à l’islamisme. Loin du politiquement correct qui a, selon cette figure historique du féminisme, contribué à la montée des extrémismes. Extraits.

Marianne : Vous avez suivi avec intérêt le débat qu’a également suscité l’affaire de Cologne en France entre les différentes tendances du féminisme, Elisabeth Badinter a par exemple reproché aux « néoféministes » d’avoir laissé tomber les femmes. Y a-t-il des spécificités en France et en Allemagne ou est-il le même trait pour trait ?

Alice Schwarzer : Cela se ressemble beaucoup. Et il n’y a rien de nouveau sous le soleil. Dans les années 60-70, parmi les féministes se disant « de gauche », la lutte des classes avait priorité absolue sur la lutte des sexes. Aujourd’hui, pour les mêmes et pour leurs héritières, c’est l’antiracisme qui a priorité sur sur l’antisexisme. Ces « néoféministes », surtout présentes sur Internet et inspirées par les gender studies américaines, sont mises en avant par certains médias pour discréditer le « vieux » féminisme des pionnières dont je fais partie… Mais, d’après les études des médias, les lectrices d’Emma figurent par exemple parmi les plus jeunes de tous les magazines féminins ! Ces divergences ne relèvent donc pas d’une question générationnelle mais idéologique : pour certaines, les femmes sont toujours la cause secondaire et doivent faire silence devant la cause primaire. C’est un abandon.

En france et en Allemagne, c’est donc la même chose, selon vous…

Pas tout à fait. Je pense que ce relativisme culturel est encore plus fort chez nous. Pour différentes raisons. Le protestantisme joue un rôle, mais aussi notre mauvaise conscience : parce que nous avons causé tant de douleur dans notre histoire récente, nous voulons désormais être irréprochables. Mais cela débouche sur une sorte d’amour « pavlovien de l’étranger », qui n’est en réalité que l’autre face de la haine de l’étranger. En tout cas, « l’autre » reste toujours « l’autre » et fait l’objet d’un deux poids deux mesures. Voilà comment on a laissé se développer au sein même de certaines villes allemandes des sortes de sociétés parallèles où l’on légitime l’oppression de filles et de femmes, puisque tout cela relève « d’une autre culture » que nous devons respecter. Quel recul ! Nous ne voulons pas être ramenées à l’époque d’avant les mouvements d’émancipation des femmes ! Nous ne voulons pas perdre nos droits si durement acquis ! Et, cela va de soi, les femmes musulmanes doivent avoir les mêmes droits que les autres ! Au cours des deux dernières décennies, certains ont tenté de faire passer le féminisme universel pour daté, obsolète. Je ne crois pas qu’il le soit. Et encore moins aujourd’hui, face aux menaces que représente l’islamisme, ce fascisme du XXIe siècle.

*image Manfred Werner.

 

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