Augmentation de ses dirigeants : comment PSA a profité de l’Etat avant de piétiner ses consignes

Après avoir profité, pour redresser ses comptes, de la garantie de l’Etat en échange de laquelle il avait accepté de ne plus verser de salaire variable à ses dirigeants, le groupe automobile PSA Peugeot Citroën s’est trouvé un autre partenaire et s’assoit désormais allègrement sur les demandes de son actionnaire minoritaire.

Oui, la rémunération de Carlos Tavares double, mais cela faisait plusieurs années que les dirigeants du groupe avaient renoncé à leur part variable !La communication de la direction de PSA Peugeot Citroën, au téléphone ce mardi 29 mars, est sacrificielle : ce ne serait qu’après des années de pain sec que le Conseil de surveillance du groupe (l’instance qui décide sa politique de rémunération) aurait décidé, cette année, d’augmenter ses dirigeants.

Si les dirigeants du Directoire se sont astreints à ne pas se verser de part variable de 2011 à 2013, ce n’est toutefois pas par pur sens du devoir mais tout simplement parce qu’ils y étaient obligés. D’abord, par le fait que ces rémunérations sont tout de même soumises à une obligation d’objectifs, qu’ils n’avaient pas atteints durant ces années noires pour le groupe. Puis par… l’Etat lui-même. Des consignes que l’industriel s’empressera de piétiner dès qu’il en aura l’occasion.

L’Etat garant impose des contreparties

Le 29 décembre 2012, le Parlement français a en effet voté, sous l’impulsion d’un Bercy alors dirigé par Arnaud Montebourg et Pierre Moscovici, un coup de pouce que l’on peut résumer ainsi : PSA, en difficultés financières, avait besoin de lever des fonds sur les marchés mais ne pouvait le faire qu’à des prix prohibitifs, du fait justement de sa mauvaise situation ; l’Etat s’en est donc porté garant pour la période 2013-2016, à hauteur de 7 milliards d’euros. Or, l’une des contreparties exigées par le gouvernement était que “l’octroi d’une part variable aux membres du Directoire suppose l’autorisation préalable de l’Etat, et ce pendant la durée de la garantie”. Dans les faits, Bercy venait de s’octroyer un droit de veto sur une partie de la rémunération des dirigeants du constructeur automobile.

Mais à peine un an plus tard, surprise : voilà que la rémunération variable refait son apparition dans les comptes 2014 de PSA ! Que s’est-il passé ? Eh bien, PSA a tout simplement trouvé cette année-là un autre partenaire (Santander), qui lui permet désormais de pénétrer les marchés sans réclamer la garantie de l’Etat. L’accord avec ce dernier est donc renégocié, et prévoit désormais que le gouvernement ne puisse plus appliquer son droit de regard qu’”en cas de non-atteinte de certains ratios de solvabilité et de liquidité”. Le veto a fait long feu.

L’Etat actionnaire vote dans le vide

Et le moins que l’on puisse dire c’est que, surfant sur le redressement de ses finances, PSA n’aura pas traîné à en faire profiter ses dirigeants. N’ayant plus son encombrant garant sur le dos, le groupe peut s’adonner à nouveau joyeusement à ses bonnes vieilles pratiques. Dès 2014, Carlos Tavares bénéficie ainsi d’1,6 million d’euros brut de rémunération variable qui, s’ajoutant à son salaire fixe, lui garantit un total de 2,75 millions d’euros. Pour 2015, les objectifs du groupe ayant été dépassés, c’est le jackpot : le président du directoire atteint le plafond de rémunération variable que lui autorisent les statuts de PSA (+150%), plus 130.000 actions qui valent 2 millions d’euros. Sa rémunération a donc doublé en un an (pour atteindre 5,24 millions d’euros).

Entre-temps, l’Etat est pourtant devenu actionnaire du groupe. Or, le gouvernement avait fait savoir en 2013 aux entreprises dont il est actionnaire minoritaire qu’il se prononcerait pour une baisse de 30% de la rémunération de leurs dirigeants. Mais justement, il n’est que minoritaire : avec 14% de participation, il ne dispose que de deux membres au conseil de surveillance de PSA, ce qui ne lui donne pas, loin s’en faut, de droit de veto. Michel Sapin a donc eu beau assurer, ce mardi matin sur France Inter, que ses représentants avaient voté “contre” cette décision “dommageable”, il sait que ces paroles sont sans effet.

De son côté, le délégué syndical central CGT du groupe, Jean-Pierre Mercier, ne veut pas entendre cet argument de l’impuissance, comme il s’en explique aurpès de Marianne : “A partir du moment où l’Etat tient les cordons de la bourse, à travers ses garanties ou à travers des dispositifs d’aide comme le CICE, il a les moyens de s’imposer. Il vote contre mais tout en sachant que ça ne sert à rien et quand il a les leviers pour s’imposer, il ne le fait pas !Or, si la direction a pu se dédouaner facilement de toute obligation de se serrer la ceinture, le syndicaliste craint que les salariés subissent encore, très bientôt, un sort inverse : “L’actuel plan destiné à améliorer la compétitivité du groupe, en demandant notamment des efforts aux salariés, devait courir jusqu’en décembre. Mais PSA a décidé de le renégocier dès la fin avril, ce qui n’augure rien de bon pour les salariés qui pourraient se voir demander de nouveaux sacrifices…”

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