Michel Sapin s'attaque à la corruption… pour la deuxième fois en 23 ans

Le ministre des Finances, Michel Sapin, s’apprête à présenter, ce mercredi 30 mars en Conseil des ministres, un projet de loi « pour la transparence de la vie économique » censé permettre à la France de mieux lutter contre la corruption. Un combat qu’il portait déjà en 1993, sans grands résultats jusqu’ici…

« Il y a beaucoup trop de secteurs français de l’économie qui sont obscurs, où les transactions sont peu claires. Il faut que tout cela soit transparent… » Ainsi s’exprimait l’actuel ministre des Finances et des Comptes publics, Michel Sapin il y a… 23 ans. Membre à l’époque du gouvernement de Pierre Bérégovoy, comme ministre de l’Economie, ce fidèle de François Hollande promettait en 1993 de s’attaquer à un fléau qui n’a depuis cessé de s’amplifier : la corruption. « L’argent qui crée, c’est bien », disait-il alors, mais « l’argent qui corrompt, il faut combattre. »

Force est de constater que ces paroles sont restées vaines. En quinze ans, aucune condamnation pour corruption d’agents publics étrangers n’a été prononcée par la justice française. Pour y remédier, le même Michel Sapin s’apprête donc à présenter, à peu près dans les mêmes termes, ce mercredi 30 mars en Conseil des ministres, un projet de loi « pour la transparence de la vie économique » censé permettre à la France de rattraper son retard.

« Laver la France du soupçon »

Le nouveau projet de loi prévoit notamment « la transformation du service central de prevention de la corruption en agence independante, dotée de moyens accrus« . Cette « agence nationale de prévention et de détection de la corruption » sera chargée, entre autres, de contrôler les dispositifs anti-corruption développés dans les entreprises dont le chiffre d’affaires dépasse les 100 millions d’euros. Le projet prévoit encore d’instaurer un répertoire où seront obligatoirement inscrit le nom des lobbyistes, ou encore la mise en place d’un statut permettant de protéger les lanceurs d’alertes. 

Très attendu, ce statut vise non seulement à garantir « l’anonymat » de ces lanceurs d’alertes mais aussi à prendre en charge « leurs frais de justice » en cas de procès, a expliqué ce mardi matin Michel Sapin sur France Inter. « Nous avons beaucoup fait, beaucoup avancé », a assuré le ministre des Finances, mais « le système actuel n’est pas efficace » . Il y a « quelque chose de choquant pour nous-mêmes », presque « insultant« , concède-t-il : « Il faut laver la France » du « soupçon ».

Le « plaider coupable » à la française a disparu

C’est le moins que l’on puisse dire… La condamnation, fin 2014, d’Alstom aux Etats-Unis, où l’ancien fleuron national doit payer une amende record — 772 millions de dollars — pour avoir versé des pots de vin à travers sa filiale américaine à des notables indonésiens, a offert un nouvel exemple de l’inertie de la France. « C’est vrai que c’est un comble que des entreprises françaises, pour des actes commis à l’extérieur, ne soient aujourd’hui poursuivies que par des juridictions étrangères« , reconnaissait Michel Sapin sur France Inter au début du mois de mars.

C’est pourquoi le projet de loi Sapin 2 s’était initialement inspiré du cadre législatif américain, proposant lui aussi une sorte de « plaider coupable » qui aurait permis l’arrêt des poursuites judiciaires en échange du versement d’une compensation financière. Cette « convention de compensation d’intérêt public » (CCIP) à la française aurait pu atteindre jusqu’à à 30% du chiffre d’affaires moyen de l’entreprise sur les trois dernières années. Seulement voilà : elle a été retoquée par le Conseil d’Etat.

« Il y a débat, tant mieux », a fait semblant de se féliciter Michel Sapin sur France Inter. Sauf que cette disparition de la CCIP, critiquée il est vrai par certaines ONG inquiètes de la « déresponsabilisation » qu’elle aurait pu induire, a vidé le projet de loi de sa mesure la plus novatrice. Il y a pourtant urgence à lutter efficacement contre la corruption : la France n’arrive qu’à la 23e place du dernier « Corruption Perceptions Index », indice du combat contre la corruption de l’ONG Transparency International, faisant égal avec l’Estonie ou les Emirats arabes unis…

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