Lors de son audition par les enquêteurs belges, Salah Abdeslam en dit peu sur son rôle durant les attentats du 13 novembre. Surtout, il rejette tout sur son frère, Brahim Abdeslam, et sur Abdelhamid Abaaoud, cerveau présumé des attentats, comme le montre le compte-rendu de l’audition révélé par « Le Monde » ce vendredi.
Arrêté le vendredi 18 mars 2015 après quatre mois de cavale, Salah Abdeslam a été auditionné dès le lendemain par les enquêteurs belges, soit trois jours avant les attaques à Bruxelles. Ce qui ressort de son audition, dont Le Monde dévoile des extraits ce vendredi, ce sont les mensonges et les approximations sur son rôle dans les attentats du 13 novembre à Paris et Saint-Denis. Surtout, le rescapé des commandos meurtriers se défausse totalement sur son frère, Brahim Abdeslam, mort en kamikaze à la terrasse de l’un des cafés, et sur Abdelhamid Abaaoud, le cerveau présumé des attaques, tué lors de l’assaut du Raid à Saint-Denis. A l’entendre, il ne savait rien, ne connaissait personne.
« J’ai fait ça suite à la demande de Brahim« , dit Salah Abdeslam à propos de son rôle de chauffeur des kamikazes du Stade de France. Ce soir-là, alors qu’a lieu le match France-Allemagne auquel assiste François Hollande, trois personnes se font exploser aux abords de l’enceinte sportive, faisant une victime. Salah Abdeslam conduit le véhicule qui achemine les kamikazes jusqu’à Saint-Denis, et repart. Face aux enquêteurs, il déclare seulement connaître Bilal Hadfi, le plus jeune des terroristes, mais « ignorer le rôle » des deux autres. Il reconnaît qu’il devait « [se] faire exploser au Stade de France » et explique que c’est son frère qui lui a remis la ceinture d’explosifs.
« J’ai renoncé lorsque j’ai stationné le véhicule »
Cette ceinture, Abdeslam ne la déclenchera jamais. Peur ? Remord ? Problème technique ? Aux enquêteurs, il explique seulement : « J’ai renoncé lorsque j’ai stationné le véhicule« . Selon les informations du Monde, il expliquera à son cousin – celui chez qui il se réfugie à Molenbeek – que sa ceinture « manquait de liquide [explosif]« . Une version qui penche donc plutôt vers le problème technique, contrairement à sa déclaration aux enquêteurs.
La série « c’est pas moi, c’est mon frère » se poursuit lorsque Salah Abdeslam explique sa relation avec Mohamed Belkaid, propriétaire de sa planque à Bruxelles, tué lors de l’interpellation râtée de Forest le 15 mars. Il le rencontre selon ses dires en septembre 2015. Il sert de chauffeur à son futur hebergeur. Il le véhicule depuis l’Allemagne (ou la Hongrie, « ses déclarations divergent« , dixit Le Monde) dans une voiture de location payée par… Brahim Abdeslam. « L’argent de la location venait de mon frère Brahim. (…) Chaque fois que j’ai dû payer des choses pour préparer ces attentats, l’argent venait de Brahim.«
Quant à Abdelhamid Abaaoud, il est présenté comme le cerveau de l’opération. « C’est lui le responsable des attentats« , affirme Salah Abdeslam, mais toujours d’après une information qu’il dit tenir de son frère. Il s’enfonce dans le mensonge en jurant ne l’avoir vu qu’une seule fois : « La veille des attentats dans une planque à Charleroi. » Or Abdeslam et Abaaoud se connaissent depuis l’enfance. En 2010, ils ont même été interpellés pour le braquage d’un garage. Interrogé par la police en février 2015 en tant que simple témoin, il décrivait Abaaoud comme « un chouette gars« , selon des propos rapportés par Le Parisien. « Je le connais depuis plus de dix ans, c’était un bon ami, je trainais tout le temps avec lui. » Avant de déclarer ceci : « En dehors du djihad, c’est quelqu’un de bien, maintenant, je ne tolère pas ce qu’il fait. »
Outre les mensonges et les évitements d’Abdeslam, le contenu de ces auditions montre surtout, selon Le Monde, que les enquêteurs ne sont pas allés assez loin pour pouvoir prévenir les attentats de Bruxelles, survenus trois jours plus tard. Chaque audition, auprès des policiers puis auprès de la juge d’instruction, n’a duré « qu’une heure environ à chaque fois« . Une audition « assez sommaire« , « truffée d’incohérences« , qui « montre que les enquêteurs ont peut-être raté une occasion d’obtenir des renseignements qui auraient pu permettre de déjouer les attentats du 22 mars« , écrit le quotidien du soir avant de conclure : « Ainsi, la justice belge semble être passée à côté du drame qui se tramait.«
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