En 2014, un agent de l’Autorité de la concurrence était retrouvé mort à son domicile. Sa famille et ses proches accusaient son administration d’avoir laissé faire des pratiques de « harcèlement » à l’origine de son décès. Le tribunal administratif de Paris vient de leur donner raison. Un revers pour Bruno Lasserre, le patron de l’Autorité de la concurrence, qui a toujours nié la moindre faute.
Le vent serait-il en train de tourner pour Bruno Lasserre (voir photo), le président de l’Autorité de la concurrence ? Le patron de cette instance, véritable bête noire des grandes entreprises pour les amendes colossales que l’Autorité n’hésite pas à infliger, traine depuis 2014 une sombre histoire. Le 17 mars, le tribunal administratif de Paris a rendu un jugement cinglant en sa dévafeur, qui touche par ricochet son président.
Pour le comprendre, il faut remonter au 27 mars 2014, lorsqu’Alain Mouzon est retrouvé mort à son domicile. Un décès qui intervient après trois années d’une longue descente aux enfers pour cet adjoint au service juridique de l’Autorité de la concurrence. Un rapport confidentiel de prévention des risques psychologiques réalisé en 2013, et auquel Marianne avait eu accès, avance alors que le service dont dépend Alain Mouzon, placé sous l’autorité directe du président, a subi « un management toxique et disqualifiant » du chef de service, Fabien Zivy, homme de confiance de Bruno Lasserre. L’Administration finit par reconnaître dans deux arrêtés d’avril 2015 que la mort d’Alain Mouzon est « imputable au service » et constitutif « d’une maladie à caractère professionnel ».
Pas suffisant pour ses proches, pour lesquels Alain Mouzon est décédé à cause du harcèlement moral subi par son chef de service. Surtout, ils pointent du doigt l’absence de réaction de la présidence de l’Autorité de la concurrence. Des critiques que Bruno Lasserre a toujours nié en bloc. Contacté à l’époque, il explique à Marianne que « face à cette situation, dans les conditions dans lesquelles j’ai été informé, j’ai pris des décisions rapides. Il fallait le temps de l’enquête. Je n’ai pas fait la politique de l’autruche. ».
Les juges en ont décidé autrement. Dans leur jugement rendu ce 17 mars, on peut ainsi lire que la famille d’Alain Mouzon est « fondée à soutenir que la pathologie et le décès [d’Alain Mouzon] sont imputables à une faute de l’administration en raison du harcèlement moral subi par celui-ci et du défaut de protection dont il a été l’objet ». Rappelant que « le service juridique est rattaché directement à la présidence de l’Autorité de la concurrence », le Tribunal administratif pointe les manquements de la présidence.
Alors qu’une première alerte est lancée en octobre 2012 sur la situation au sein de l’autorité et que le cas d’Alain Mouzon est évoqué lors d’une réunion d’un CHSCT, sans que son nom soit expressément évoqué, les juges s’étonnent que l’administration « ne s’inquiète d’éclaircir » qui sont le service et la personne concernée. Le 22 avril 2013, alors que la présidence décide finalement de relever le chef de service juridique, Fabien Zivy, de ses fonctions, les magistrats soulèvent qu’il « a cependant été maintenu en fonction jusqu’au 30 mai 2013 » et qu’il « est resté dans les locaux de l’Autorité de la concurrence jusqu’en janvier 2014 ».
Pendant plusieurs mois donc, harceleur et harcelés se sont retrouvés dans les mêmes locaux, se croisant peut-être même dans les couloirs de l’Autorité de la concurrence. Une situation terrible pour les victimes. Surtout, le tribunal considère que « l’administration n’a pas, dans des délais requis par la gravité de la situation et la persistance de risques psycho-sociaux, procédé aux actions nécessaires pour faire cesser au plus tôt la situation de harcèlement moral dont a été victime M. Mouzon et protéger la santé de cet agent ». La sentence est lourde pour l’Autorité de la concurrence et pour son président, Bruno Lasserre.
Au sein de l’autorité administratrice indépendante, la nouvelle du jugement a été accueillie « comme un soulagement », confie une source. Un soulagement partagé par « l’ensemble des agents. Alain Mouzon était une personne très appréciée dans cette maison », précise-t-elle. Une semaine avant le jugement du 17 mars, Bruno Lasserre, le président a rencontré l’ensemble des syndicats de l’Autorité de la concurrence. Présageait-il de la décision des juges ?
Ce qui ne fait pas de doutes pour cette même source, c’est que cette décision est un « véritable boulet » pour Bruno Lasserre :« Ca le fragilise et réduit grandement ses chances d’obtenir le poste de vice-président du Conseil d’Etat pour lequel il candidate activement ». Notamment si la famille d’Alain Mouzon décide de saisir les juridictions pénales. C’est dans tous les cas une première page qui se tourne pour eux. Un premier pas pour la reconnaissance du « calvaire vécu par Alain. De cette histoire écrite à l’encre de sang ».
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