Faire de la politique autrement grâce à la magie des internets

Gagné par le dégoût ambiant des traditionnels appareils partisans, plusieurs élus de tous bords lancent des initiatives indépendantes pour tenter de renouer avec le peuple. En se servant du web et des réseaux sociaux comme relais… avec plus ou moins de succès.

Le succès de la pétition en ligne contre le projet de loi travail l’a confirmé : le web peut devenir une arme redoutable pour court-circuiter les blocages du système politique. Lancée en février par la militante féministe Caroline De Haas sur la plateforme change.org, cette pétition a rassemblé un million de signatures en deux semaines. Quelques jours plus tard, ces clics se convertissaient en plusieurs dizaines de milliers de manifestants dans les rues. De quoi faire rêver les quelques élus qui cherchent à réenchanter la politique en dehors des appareils partisans, auxquels Marianne consacre un dossier en kiosques cette semaine.

La démarche est tendance : alors que seulement 3% des Français estiment que les partis politiques leur inspirent de la confiance, 78% d’entre eux se disent prêts à voter pour un candidat non issu d’un parti à la prochaine élection présidentielle, selon un récent sondage Elabe pour Atlantico. Une aspiration qui n’a pas échappé à tout le monde dans le sérail politique. Ainsi, plusieurs députés de tous bords qui se détournent de leurs partis d’appartenance et lancent des initiatives pour tenter de reprendre pied avec les Français.

« Les barrières à l’entrée ont été abaissées. »Parmi les raisons qui expliquent cette ébullition, Jérôme Fourquet, directeur du département Opinion et stratégies d’entreprises de l’institut Ifop, cite « l’usure des partis politiques traditionnels ». Mais aussi « la montée en puissance des nouvelles technologies, qui permettent de manière très simple de lancer des pétitions, collecter de l’argent ou contourner les médias traditionnels« . « Les barrières à l’entrée ont donc été abaissées », conclut le sondeur.

Jean-Luc Mélenchon l’a bien compris, lui qui a été l’un des pionniers des plateformes participatives en ligne. Pour dépasser les imbroglios incessants au sein du Front de gauche, le fondateur du Parti de gauche avait lancé son « Mouvement pour la 6e République » avec pour ambition de « fournir un outil permettant une organisation horizontale », comme on peut le lire sur son site web. Pour les mauvaises langues, il s’agissait surtout d’un moyen de se passer d’un allié communiste trop socialo-compatible. Passons… Théorisant l’apport du numérique dans leur ambition de révolutionner la politique, les équipes de Jean-Luc Mélenchon s’étaient même essayées début novembre 2014 à une « manif en ligne pour la 6e République », avec un hastag #6eRepublique utilisé plus de 3.100 fois en 24 heures. Reste qu’aux dernières nouvelles, le M6R est encore au stade embryonnaire question organisation…

Les web TV, nouvel eldorado des « hors partis »

Qu’importe, l’eurodéputé fait feu de tout bois et poursuit sa route du web. Il a ainsi lancé il y a un mois « Pas vu à la télé » sur sa chaîne Youtube, une émission inspirée de la Tuerka, le programme à succès du mouvement Podemos en Espagne. Deux épisodes ont déjà été publiés avec un Jean-Luc Mélenchon en animateur-débatteur et Zoe Konstantopoulou, ancienne présidente du Parlement grec et Jean-Luc Roméro, en invités. Ces deux épisodes capitalisent déjà 60.000 vues. En 2014, Clément Sénéchal, l’ancien community manager de Mélenchon, expliquait déjà au JDD.fr que “la sphère numérique est aujourd’hui la grande agora qui permet à tous de s’exprimer et de débattre ».

« Les partis sont en train d’être bousculés par l’horizontalité des réseaux sociaux. »Depuis, l’idée a fait son chemin. Pouria Amirshahi, député des Français de l’étranger, qui vient tout juste de larguer les amarres du bateau ivre socialiste, considère que « les partis qui ont épousé la verticalité de la Ve République sont en train d’être bousculés par l’horizontalité des réseaux sociaux ». Et il y voit une arme de choix pour construire cette « révolution citoyenne » qu’il appelle de ses voeux. « Cette horizontalité percute l’autorité de ceux qui sont au-dessus et qui disent je suis le chef. Nous avons l’exemple des pétitions, des lanceurs d’alertes ou de ces dessinateurs qui contournent la censure. C’est un véritable renversement des pouvoirs », se réjouit-il. Son association « Mouvement commun » compte pour l’heure un site internet, une page Facebook et dans plusieurs départements, des forums locaux se lancent. Ce à quoi il faut ajouter une web TV avec débats et reportages à la clés.

Cette ambition de tisser une nouvelle toile politico-numérique en dehors des partis traditionnels ne concerne pas seulement la gauche. Jean Lassalle veut lui aussi s’appuyer sur la vidéo pour faire parler de lui. Le député (ex-MoDem) des Pyrénées-Atlantiques, qui vient de se déclarer candidat à la présidentielle, a pris contact avec le réalisateur Pierre Carles, auteur de plusieurs documentaires critiques sur le système médiatique. « Je travaille avec lui sur des clips », explique Jean Lassalle à Marianne. « Les gens diront ‘j’aime’ ou ‘j’aime pas' », espère-t-il, visiblement très inspiré par les codes de Facebook.

Vers une ubérisation de la politique ? A voir…

Jean-Christophe Fromantin, le député-maire de Neuilly, qui croit dur comme fer à « l’ubérisation de la politique », compte carrément sur le web pour… recruter de futurs candidats ! L’édile a claqué la porte de l’UDI en décembre pour lancer son propre mouvement. Son objectif : présenter partout des candidats aux élections législatives de 2017. Pour cela, il a récemment lancé le site 577.fr – comme le nombre de circonscriptions françaises – qui propose à tout un chacun de s’inscrire pour se lancer à la conquête d’un siège de député en 2017. Mais l’écrémage s’annonce sévère. « Sur les 600 premières candidatures reçues, il y avait 7 à 8% de profils intéressants pour être candidats », explique Jean-Christophe Fromantin à Marianne. Et encore, ces perles rares ne sont qu’au début d’un parcours du combattant. Pour recevoir le soutien officiel du mouvement, chaque impétrant devra présenter un comité de soutien rassemblant au moins 0,5% des votants au premier tour des législatives de 2012. « Nous serons très exigeants », prévient Fromantin. Preuve que si le web permet de rêver à des lendemains qui chantent, c’est bel et bien dans la vie réelle que les trublions qui prétendent révolutionner la politique devront faire leurs preuves.

 

>>> Retrouvez notre dossier complet sur ces élus qui boudent les partis dans le numéro de Marianne en kiosques.

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