Gaëtan Gorce, sénateur socialiste de la Nièvre, fait partie de ces politiques qui se détournent de leurs propres partis et auxquels « Marianne » consacre un dossier en kiosques cette semaine. Il dénonce un PS qui « est devenu une véritable machine à distribution de rentes » et plus largement des partis politiques qui « ont perdu toute vitalité démocratique ».
Décidemment, le département de la Nièvre réserve bien des surprises à la gauche socialiste. A croire que sur cette terre traditionnelle d’élection de « Tonton » Mitterrand, souffle un vent de fronde qui pousse les socialistes à la rébellion. En 2014, Sylvain Matthieu, l’inconnu patron de la fédération PS de la Nièvre se présentait face à Jean-Christophe Cambadélis pour représenter l’aile gauche du parti dans la course au poste de Premier secrétaire. Malgré son déficit de notoriété, il récoltera tout de même 32,88% des suffrages. En 2015, c’était Christian Paul, député de la Nièvre et aubryste reconnu qui était choisi pour porter les couleurs de la fronde socialiste lors du congrès de Poitiers. En 2016, moins bruyamment, Gaëtan Gorce, sénateur socialiste de la Nièvre, en appellerait presque de son côté à une insurrection (pacifiste, on vous rassure) contre les grands chefs à plume de Solférino.
« Ca fait plusieurs années que les partis politiques ont perdu toute vitalité démocratique »Peu présent dans les médias, cet ancien soutien de Ségolène Royal se laisse ainsi aller sur son blog à de véritables appels à la révolution (citoyenne, on vous rassure encore) contre les carcans des partis. Par exemple, dans une note intitulée « Hollande, Aubry et les autres, chacun attend son leurre… « , Gäetan Gorce écrit : « A droite comme à gauche, on refuse au fond de voir que la période appelle des révisions et des mesures radicalement neuves (…) L’on peut sans doute attendre mieux de la politique que ce goût de la manœuvre, mais pour « leurre » c’est tout ce qui nous est promis…. sauf si parlementaires et militants décidaient de s’émanciper de ces chefs qui collectionnent les erreurs et les échecs (…) ».
Ou dans une autre, « Le « changement » qui vient… », analysant la remise en cause depuis une vingtaine d’années de la légitimité des partis, et craignant que « nos compatriotes cherchent un autre vecteur, social celui-là, aux formes variées, du poujadisme aux grandes manifestations de rue ». On peut lire sous la plume du sénateur : « A tout prendre, il serait préférable que les élections offrent à cette colère une issue « gérable ». Mais encore faudrait-il s’y préparer. Ce qui supposerait qu’un nombre conséquent de responsables franchissent le pas et rompent là avec leur parti, pour lancer en direction du pays une démarche nouvelle, sans tabou et surtout sans démagogie, pour s’adresser aux citoyens avec respect, en leur disant la vérité et en choisissant pour réponse à leurs problèmes celles que dicte l’audace… « Solfériniens, prenez garde ! La Jacquerie n’est plus si loin.
« Le PS, lui, est devenu une véritable machine à distribution de rentes »De quoi piquer au vif notre curiosité. Au téléphone, sa voix calme, chaleureuse, cache pourtant un constat des plus amers. « Ca fait plusieurs années que les partis politiques ont perdu toute vitalité démocratique », lâche-t-il. La critique peut même se faire assassine lorsque l’on évoque son propre parti : « Le PS, lui, est devenu une véritable machine à distribution de rentes. Il bloque toute forme d’innovation. Une sorte de bourgeoisie d’appareil. » Diantre ! On oscille entre l’étonnement et l’admiration.
Habituellement, les hommes politiques, lorsqu’il s’agit de parler de leur formation, optent toujours pour la langue de bois au détriment du parler-vrai. Sauf que dans le cas de Gäetan Gorce, sa colère ne date pas d’hier. En 2007, lorsqu’il démissionne du secrétariat du parti, il explique déjà son geste, dans une lettre à l’adresse de François Hollande, dans des termes très directs : « Ce qui est en cause, ce n’est pas ta personne mais une méthode de travail, un système dont tu es la clé de voûte et qui paralyse le Parti, bloque toute volonté de changement, entrave toute perspective de renouvellement. » Il se souvient que déjà à l’époque, « il n’y avait plus rien attendre de l’appareil ».
Toujours membre du PS par ce qu’il est et reste « socialiste », il souhaite pourtant que son chemin l’amène plus loin, au-delà de l’horizon partisan. Avec cette conviction que élus, militants et citoyens doivent se retrouver pour « tout réinventer ». C’est dans cette perspective qu’il a lancé depuis le début de l’année des cycles de rencontres : « Les parlementaires ont un rôle à jouer dans cette reconstruction. J’ai donc invité les citoyens de ma circonscription, à venir débattre sur différents sujets. D’abord sur la laïcité puis sur la question des réfugiés. L’idée est de permettre au gens d’échanger ensemble. On leur a aussi demandé de s’organiser en groupes de travail pour pousser la réflexion.«
Il en est persuadé, les citoyens rejettent avant tout « cette manière de faire de la politique » plutôt que la politique. Mais l’urgence est là. Une véritable course contre la montre : « On ne peut pas laisser le débat politique dans cet état là. Dans mon territoire le FN progresse et le PS s’effondre en tant que force mobilisante. Il faut reconstituer des solidarités, redonner aux gens le goût d’être ensemble et de discuter », est-il fermement convaincu. Difficile de le contredire sur ce point…
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