Professeur à l’université Paris-XIII, Benjamin Stora est également à la tête du Musée de l’histoire de l’immigration. Il a soutenu François Hollande en 2012 et le conseille régulièrement. Alors que le chef de l’Etat a choisi de s’associer pour la première fois aux commémorations des accords d’Evian de 1962, qui ont acté le cessez-le-feu lors de la guerre d’Algérie, l’auteur du livre « Les Mémoires dangereuses » (Albin Michel, 2016) répond aux critiques de Nicolas Sarkozy.
Marianne : Comment réagissez-vous à la tribune de Nicolas Sarkozy, qui accuse François Hollande d' »entretenir la guerre des mémoires » en commémorant les accords d’Evian ?
Benjamin Stora : Ses propos posent un problème de fond, à caractère historique, par rapport à l’héritage du gaullisme. De Gaulle, c’est à la fois l’homme du 18 juin 1940 et l’homme du 19 mars 1962. Dissocier les deux est très périlleux. Prendre ainsi la plume pour condamner ces accords signés par de Gaulle, c’est du jamais vu dans le mouvement gaulliste. Jacques Chirac ne commémorait pas le 19 mars, mais il n’a jamais émis de critiques en ce sens. Mais Nicolas Sarkozy trouve probablement un intérêt à se positionner sur ce sujet dans le cadre de la primaire à droite…
La droite accuse aussi François Hollande d’avoir des arrière-pensées politiques en participant à cette commémoration. Cherche-t-il à flatter l’électorat franco-algérien ?
Non, parce que les Algériens ne sont pas d’accord entre eux sur les accords d’Evian. Houari Boumédiène, le chef de l’armée des frontières à l’époque (devenu chef de l’Etat algérien de 1965 à 1976, NDLR), considérait par exemple que c’était un très mauvais compromis. Et d’ailleurs, le 19 mars n’est pas commémoré en Algérie.
Le débat politique très crispé sur la guerre d’Algérie est-il en décalage avec l’approche de l’opinion publique ?
Totalement ! Ce sont des débats très archaïques, les jeunes générations sont loin de tout ça. Rendez-vous compte, on débat encore de l’Algérie française 60 ans après… Les autres pays sont consternés en voyant ce spectacle, qui relève d’une certaine arriération culturelle. Et à force de ne jamais vraiment traiter ces questions, une distance s’est créée et les mémoires se sont communautarisées.
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