L’opposition dénonce le choix de François Hollande de commémorer ce samedi 19 mars les accords d’Evian de 1962, qui ont acté le cessez-le-feu lors de la guerre d’Algérie. La date reste au cœur d’un conflit mémoriel.
Nicolas Sarkozy a soigneusement attendu la veille du jour J pour sonner la charge. On sait depuis plusieurs semaines que François Hollande compte commémorer ce samedi les accords d’Evian du 19 mars 1962, qui ont acté le cessez-le-feu lors de la guerre d’Algérie. Révélée par Europe 1 début mars, l’information est loin d’être anodine : c’est la première fois qu’un président de la République s’associe à cette commémoration, qui se déroule chaque année depuis 2002.
Dans une tribune publiée ce vendredi 18 mars par Le Figaro, Nicolas Sarkozy accuse son successeur d’« entretenir la guerre des mémoires ». « Choisir la date du 19 mars, que certains continuent à considérer comme une défaite militaire de la France, c’est en quelque sorte adopter le point de vue des uns contre les autres, c’est considérer qu’il y a désormais un bon et un mauvais côté de l’Histoire et que la France était du mauvais côté », écrit l’ancien chef de l’Etat.
De fait, la date du 19 mars n’est pas consensuelle. Les associations de pieds-noirs et de harkis retiennent dans les accords d’Evian, signés par le général de Gaulle, le début du douloureux exil des rapatriés vers la métropole et des exactions contre les Algériens partisans de l’Algérie française. C’est pourquoi Jacques Chirac avait opté pour une date neutre, celle du 5 décembre 2002, pour inaugurer un monument à la mémoire des victimes de la guerre d’Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc.
La tribune de Nicolas Sarkozy relance donc cette guerre des dates. Ce vendredi, la droite a embrayé en multipliant les attaques contre l’Elysée. « Ça fait plus de 50 ans que la guerre Algérie est terminée, les cicatrices sont à peine fermées que François Hollande les rouvre », s’indigne sur France Info Frédéric Péchenard, le directeur général de LR, qui y voit « une arrière-pensée politique de François Hollande ». C’est « une date qui fait beaucoup polémique et je ne suis pas convaincu qu’en ce moment, il soit nécessaire de contribuer à cette polémique », appuie le député juppéiste Benoist Apparu sur iTélé.
Le Front national, traditionnel réceptacle de l’électorat nostalgique de l’Algérie française, n’a pas manqué de s’inviter à son tour dans la polémique. Dans un communiqué, Marine Le Pen estime que François Hollande « viole la mémoire des anciens combattants, harkis et rapatriés morts pour la France lors du conflit algérien » et parle d’une « commémoration du déshonneur ».
A l’Elysée, on assure que François Hollande souhaite « concilier toutes les mémoires »
A l’Elysée, on se défend de toute intention politicienne. « C’est la mise en œuvre d’une loi de la République, votée en décembre 2012 par la représentation nationale », affirme un conseiller interrogé par Marianne. Au début du quinquennat, la majorité parlementaire a en effet voté une loi faisant du 19 mars une « journée nationale du souvenir et du recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d’Algérie » mais aussi « des combats en Tunisie et au Maroc ». L’Elysée assure néanmoins que la démarche de François Hollande se veut consensuelle : « Dans son discours, le président essaiera de trouver les mots pour concilier toutes les mémoires. »
En attendant, les soutiens de François Hollande contre-attaquent. « Nicolas Sarkozy rejoue la bataille d’Alger », raille sur Twitter le premier secrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis. « Je ne comprends pas qu’un ancien président de la République puisse pour des raisons politiciennes, peut-être de campagne électorale dans le cadre d’une primaire, raviver la guerre des mémoires », a déploré de son côté devant la presse le secrétaire d’Etat aux Anciens combattants, Jean-Marc Todeschini. De fait, en prenant position contre la commémoration des accords d’Evian, Nicolas Sarkozy envoie un signal aux familles de rapatriés et aux nostalgiques de l’Algérie française, qui comptent plusieurs relais dans son parti. Christian Estrosi, maire de Nice, et Eric Ciotti, président du conseil départemental des Alpes-Maritimes, ont déjà participé à des manifestations de rapatriés et de harkis, particulièrement implantés dans le Sud-Est. Ils ont d’ailleurs chacun dénoncé une « provocation » de François Hollande vendredi. On se rappelle aussi du bras d’honneur télévisé de Gérard Longuet, ancien ministre de Sarkozy, lorsqu’il était interrogé sur ce sujet en 2012. Le constat est là : 54 ans après la fin de la guerre d’Algérie, les clivages politiques restent toujours aussi vifs sur cet épisode.
Dans les colonnes du Figaro, ce vendredi 18 mars, l’écrivain algérien Boualem Sansal condamne également le choix de François Hollande de s’associer aux commémorations du 19 mars, y voyant soutien au régime d’Alger. « À quelques mois de la présidentielle, se prosterner ainsi devant Bouteflika, c’est calamiteux pour l’image de la France et catastrophique pour le combat courageux que les Algériens mènent pour se libérer de la dictature coloniale du FLN et de M. Bouteflika, qui, depuis le 19 mars 1962, en est l’un de ses principaux animateurs », dénonce l’auteur de 2084.
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