Si tous les députés s’accordent sur les effets nocifs des néonicotinoïdes, une famille de pesticides qui tuent les insectes pollinisateurs dont les abeilles, ils n’ont décidé d’interdire le pesticide en question qu’à compter de 2018, après un débat houleux à l’Assemblée.
Après le bras de fer, le compromis. Les pesticides tueurs d’abeilles – les néonicotinoïdes nocifs pour l’ensemble des insectes pollinisateurs – ont bien été interdits par l’Assemblée, jeudi 17 mars, dans le cadre de l’examen du projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages. Le vote aura cependant été serré (30 voix contre 28) et aura jusqu’au bout divisé les parlementaires.
La décision, qui rentrera en vigueur à compter du 1er septembre 2018 et qui s’appliquera à l’ensemble des cultures, a en effet fait couler beaucoup d’encre, à commencer par celui du ministre de l’Agriculture, Stéphane Le Foll.
Dans une lettre adressée aux députés lundi 14 mars, « une procédure très inhabituelle » précise le Monde qui s’est procurée la « missive », le ministre a de fait plaidé contre une interdiction « brutale » de cette famille de pesticides, afin d’éviter les « distorsions entre les agriculteurs français et le reste des agriculteurs européens », d’autant que les solutions de remplacement, explique-t-il, « ne présentent aucune garantie supplémentaire. »
Une prudence également adoptée par un certain nombre de parlementaires. En une semaine, poursuit le Monde, ces derniers ont déposé « pas moins de 45 amendements et sous-amendements en faveur de la suppression pure et simple de l’article 51 (qui inclut l’interdiction des néonicotinoïdes, ndlr) de sa modification ou d’un retour à la version votée par le Sénat en première lecture en janvier, ne prévoyant qu’un simple encadrement de l’usage des insecticides. »
Ainsi l’interdiction des pesticides tueurs d’abeilles, qui devait initialement prendre effet dès le 1er janvier 2017, a-t-elle été retardé. Est-ce vraiment justifié ? Pour les députés socialistes, Delphine Batho, Gérard Bapt et Jean-Paul Chanteguet pas vraiment. « L’abondante » littérature scientifique « a largement démontré que mettre fin à l’usage de ces substances n’a pas d’effet sur le rendement des récoltes de céréales et d’olléagineux », écrivent-ils à leur tour le 15 mars dans une lettre en guise de réponse adressée à Stéphane le Foll.
A tous ceux qui pourraient alors croire que le ministre de l’Agriculture serait sous l’influence des lobbies de l’industrie chimique, Stéphane Le Foll répond d’ores et déjà dans un entretien accordé au Monde : « C’est faux ! (…) J’ai fait arrêter les usages les plus dangereux de cette famille de pesticides [en agissant en faveur d’un moratoire partiel à l’échelle européenne depuis 2013], mais je ne veux voir aucun néonicotinoïde interdit à moins qu’une alternative crédible n’existe. »
Depuis l’arrivée en France des néonicotinoïdes, en 1994, « environ 300 000 colonies d’abeilles domestiques périssent chaque année », déplore cependant Henri Clément, porte-parole et ancien président de l’Union nationale de l’apiculture française (l’Unaf).
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