Les jeunes et l'alcool : où s'arrête la fête et où commence l'alcoolisme ?

L’alcool, au début, c’est la frime, un moyen, une idée de se sociabiliser, d’être comme les autres en soirée. Puis ça peut devenir autre chose…

Quand commence la jeunesse et quand sommes-nous alcooliques ?

L’alcool, au début, c’est la frime, un moyen, une idée de se sociabiliser, d’être comme les autres en soirée, de ne pas être « le plouc » qui appliquerait les consignes de papa-maman ou qui serait terrorisé par l’effet que procure l’alcool. D’autres pensent qu’aller en soirée est le motif d’une ivresse. Certains perçoivent cette première ébriété tel un bizutage de première année de médecine. Ça y est, c’est fait, on a bu, on est grand, on est adulte.

Les Etats-Unis ont connu, dans les années 30, une prohibition qui a fait naitre les mythes d’Al Capone et de bien d’autres figures emblématiques de cette période. Les faits sont là, l’alcool est un fléau qui, malgré les législations de plus en plus sévères, ne diminue pas, bien au contraire. Les années 30 en sont le reflet, jamais autant d’alcool n’a circulé à cette époque, et la consommation fut en forte hausse.

L’aspect noble de l’alcool — cépages pour les vins, distillerie pour le whisky — a disparu, le but aujourd’hui, pour les jeunes en particulier, est de boire le plus rapidement possible, ce qu’il y a de plus fort, sans hésiter à tout mélanger. L’apparition des smartphones a permis aux adolescents de se mettre en scène pour montrer au voisin combien « l’alcool c’est rien » et combien on peut avaler de liquide à la seconde.

Allant du jeu au coma éthylique, puis du coma éthylique au décès, bien peu de place est faite à la réflexion.

De jeunes patients viennent me voir en consultation pour me dire : « Nous venons car nous buvons un tout petit peu trop ». Ne cherchant surtout pas à les culpabiliser, je leur demande pourquoi le fait de boire les dérange. Il est très important de comprendre quel est l’enjeu de ce premier rendez-vous pour eux, est-ce une obligation des parents qui attendent devant mon cabinet, ou un début de prise de conscience ?

Dans la majorité des cas, ces jeunes me disent qu’ils ne sont pas inquiets mais que leurs parents ou leur conjoint s’inquiètent sans raison. Ils me regardent souvent fixement, s’attendant à ce que je les réprimande et que je leur demande quelle est la quantité d’alcool qu’ils consomment. C’est précisément ce que je ne fais pas. A ce stade du contact, le patient n’attend que le premier prétexte pour partir. Je considère que la définition de l’alcoolisme ne se trouve pas principalement dans la dose, mais dans la répétitivité, la capacité à récidiver.

Entre une grosse cuite à Noël et un baby whisky tous les soirs il y a une différence : le premier est acte festif, le second est alcoolique. Les distractions sont devenues chères, les valeurs se perdent, la lecture est en voie de disparition etc, l’alcool est au rabais, les jeunes achètent des bières fortes en alcool et en abusent, ils ouvrent le bar des parents ou se cotisent pour une bouteille.

Les chiffres sont alarmants, 400.000 personnes hospitalisées par an pour alcoolisme, il s’agit donc de la première cause d’hospitalisation. Les jeunes sont la première catégorie et on constate une recrudescence d’alcoolisme chez les femmes.

Auparavant, on ne voyait de cirrhoses que très rarement avant 27-28 ans. Et pourtant à quelques mètres de ces hôpitaux, dans toutes les soirées, les adolescents refont le monde, ils décrivent l’alcool comme une formidable façon de s’évader d’une vie que beaucoup jugent comme difficile, pénible et sans issues ; beaucoup ironisent sur la mort comme si l’alcool était pour eux une façon de la défier.

Stéphanie, 26 ans, m’avoue au bout de 4 séances boire 4 bouteilles de rosé dans la journée et un tout petit peu de vodka le soir, juste pour s’endormir. Elle se reprend et me demande si c’est grave ; je lui réponds que cela dépend de son envie de vivre ou pas ; elle semble étonnée que je propose cela comme une  option, en effet c’en est une.

A mon sens, il n y a pas 3 façons de proposer une aide. Si le but est de culpabiliser le patient, il continuera à rester comme une autruche, la tête sous le sable. Il serait faux de dire que l’alcool n’est pas un puissant anxiolytique qui peut, dans certains cas, donner l’idée qu’en un instant tout va mieux. Il faut pouvoir comprendre quelles sont les motivations de nos patients pour démonter ces mécanismes.

L’alcool est un poison, c’est la réalité, mais il faut le démontrer et non l’affirmer. Lors de mes séances, je pointe souvent du doigt les problèmes de libido que cela entraîne, le risque d’accident de la route, le risque de coma, l’effet de l’alcool sur le corps, le foie, les reins, le système nerveux central, etc. Seul le patient doit déduire par lui-même qu’il est en danger et qu’il est urgent de se traiter.

Devant les patients dubitatifs, je cherche les cas de ceux qui pourraient dire : « J’ai tout réussi dans la vie, tout me sourit grâce à l’alcool« . Jusqu’à aujourd’hui, je n’en ai pas trouvé. Alors au lieu de culpabiliser, consultez !

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