Les néo-cons sonnent la charge pour sauver la loi El Khomri

Avec les néo-conservateurs à la française, on n’est jamais déçu. Il y a longtemps qu’ils attendaient la loi El Khomri (surtout dans sa première version). On peut compter sur eux pour donner de la voix avec une délicatesse dans le propos qui n’a d’égale que la profondeur abyssale de la pensée.

L’Express en est un bon exemple. L’hebdo propose «une réforme radicale du travail». Pourquoi pas ? Sur le sujet, mieux vaut lire les propositions présentées cette semaine par Marianne. De son côté, L’Express a mis quatre économistes à contribution : Olivier Blanchard, ancien chef économiste du FMI, recyclé dans un cercle de réflexion américain ; Pierre Cahuc, prof à Polytechnique, tendance orthodoxe ; Marc Ferracci, prof à Panthéon-Assas, qui lui fait une concurrence libre et non faussée ; enfin Bruno Mettling, directeur général adjoint d’Orange.

Les membres de la bande des quatre recrutée par L’Express ont un point commun : ils sont tous fans de la loi El Khomri telle qu’elle était présentée dans sa version initiale, un rien explosive. Olivier Blanchard rêve d’y adjoindre un salaire minimum inférieur au Smic pour les jeunes. Pierre Cahuc, fou du marché, propose carrément une réduction du Smic. Marc Ferracci souhaite transformer le CDI en faux CDD. Quant à Bruno Mettling, il regrette juste que le gouvernement ait trop tergiversé.

Bref, on se retrouve avec quatre voix concordantes qui font les mêmes analyses, les mêmes constats et quasiment les mêmes surenchères, prouvant ainsi que L’Express a su tirer le meilleur de feu La Pravda.

Franz-Olivier Giesbert se devait de relever un tel défi. Il signe donc dans Le Point un éditorial qui restera dans les annales du café du commerce. On y apprend avec joie que les Français sont des veaux, vu qu’ils s’accrochent à « un système qui ne peut pas marcher, sa logique étant l’emploi à vie ». Visiblement, de sa semi-retraite dorée, FOG ne sait toujours pas qu’il y a plus de cinq millions de chômeurs. Ses proches amis devraient lui dire, par compassion.

Ce que FOG sait, par contre, et qu’il dénonce avec vigueur et véhémence, c’est que les petits veinards qui n’ont pas de boulot ont une vie de nabab grâce à « des indemnités qui peuvent tourner à la rente ». Il en déduit qu’il existe « un chômage de convenance », reprenant ainsi l’expression délicate utilisée par Marine Le Pen à l’égard de l’avortement.

FOG connaît d’ailleurs nombre d’employés de la restauration qui ont eu la chance d’être licenciés. Ainsi, ils peuvent « enchaîner une année de travail par une année de chômage à taux plein, autrement dit douze mois de vacances payées par la collectivité » (sic).

Jean Cocteau disait : « Le drame de notre temps, c’est que la bêtise se soit mise à penser ». Parfois, même, elle écrit, et pas seulement dans Le Point. Pour ce genre d’exercice, il y a aussi Le Figaro, où l’on retrouve un Luc Ferry égal à lui-même. 

Alors que 70% des Français voudraient une autre mouture, 70% des éditorialistes défendent mordicus l’esprit de la loi proposée.

L’ancien ministre de l’éducation nationale juge que la loi El Khomri « va globalement dans le bon sens ». S’y opposer revient donc à manifester « pour le chômage et non pas contre ». C’est évident. Qui n’a pas compris cela possède « un QI de bulot ». En effet, il faut se faire à l’idée, difficile à contester, que « c’est en facilitant le licenciement qu’on créera de l’embauche ». Elémentaire, mon cher Watson.

Luc Ferry est ravi de constater qu’une telle conception a de plus en plus d’adeptes, à droite et à gauche, y compris chez ces syndicalistes qu’il chérit tant dès lors qu’ils pensent comme lui. Tel n’est pas le cas du leader de la CGT dont il dénonce « la bouille renfrognée » et « sa façon d’éructer », réhabilitant ainsi le délit de sale gueule. Reste un petit détail : les 70% de Français qui sont contre la loi El Khomri. D’où le titre de l’article de Notre Eminence : « Un peuple moins courageux que ses politiques ». On ne pourrait pas dissoudre le peuple et le remplacer par un autre ?   

Tel est le cœur du problème. Alors que 70% des Français voudraient une autre mouture de la réforme du travail, 70% des éditorialistes défendent mordicus l’esprit de la loi proposée. Ils regrettent juste les quelques reculs imposés à un gouvernement qui croyait faire avaliser les dogmes du Medef.

La France se retrouve ainsi dans la même situation qu’en 2005, lors du référendum sur la Constitution européenne. A l’époque, déjà, les grandes plumes s’échinaient à expliquer que les partisans du Non étaient des ignares n’ayant rien compris au contenu du document proposé, et finalement rejeté. Aujourd’hui, avec la même emphase, ils reprennent au détail près les préceptes confectionnés dans les clubs néolibéraux, comme si l’élite avait vocation à organiser le défilé du prêt à penser et que le bon peuple devait forcément applaudir.  Le succès n’est pas forcément au rendez-vous.   

 

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