Montrer les crocs, le nouveau calcul de François Fillon pour 2016 ?

L’ancien Premier ministre hausse le ton face à ses rivaux pour la primaire de la droite. François Fillon aurait-il écouté ses partisans, qui l’implorent depuis longtemps de forcer sa nature pour casser son image de velléitaire ?

Non, je ne suis pas mou ! C’est le message que François Fillon semblait vouloir faire passer ce mercredi 16 mars, au micro de RMC et BFMTV. Interrogé sur ses principaux adversaires pour la primaire de la droite, qui aura lieu en novembre, le député de Paris s’est employé à les dézinguer scrupuleusement un par un. Une offensive qui tranche avec l’attitude souvent adoptée par l’ancien Premier ministre, soucieux de donner l’image d’un homme d’Etat éloigné du match des petites phrases.

Cette fois donc, il sort les couteaux. Bruno Le Maire ? Il « a beaucoup de talent mais en gros, le projet qu’il propose aux Français consiste à dire : mettez dehors tous ceux qui ont gouverné« , attaque Fillon. « Au passage, il a d’ailleurs gouverné pendant près de cinq ans dans les gouvernements dont j’ai eu la responsabilité… » Dernier scud : ce que propose Le Maire, « ce n’est pas un programme, ce n’est pas un projet construit, il n’y a pas de méthode pour le changement ».

Nicolas Sarkozy ? « Pour le moment il n’est pas candidat et je n’ai pas vu de programme », assène François Fillon. L’ancien chef de l’Etat appréciera, lui qui sue sang et eau pour tenter de faire adopter par son parti un projet avant la primaire. La semaine dernière encore, il présentait ses propositions sur la fonction publique en prônant la suppression de 300.000 emplois de fonctionnaires. Petit joueur, rétorque Fillon : « Nicolas Sarkozy raisonne toujours sur la base de ce qu’on a fait en 2007, ce qu’on a appelé le un sur deux », estime-t-il. « Moi, je considère que c’est totalement insuffisant. »

Juppé renvoyé au « XXe siècle »

Dans le cas d’Alain Juppé, c’est un peu différent. François Fillon concède que le maire de Bordeaux, qui fait toujours la course en tête dans les sondages, a un programme qui tient la route… comme lui. « Ma conviction, c’est qu’il y a aujourd’hui deux projets sur la table qui ont une colonne vertébrale, une signification, qui ont été travaillés », celui d’Alain Juppé et le sien, explique-t-il. Mais les compliments s’arrêtent là. Car pour Fillon, Juppé a « un projet classique, qui s’inscrit dans les schémas politiques du XXe siècle » et dont le rythme des réformes « n’est pas du tout compatible avec la gravité de la situation de notre pays ». Voilà le maire de Bordeaux aimablement affublé de l’étiquette d’homme du passé. Alors que « moi, je propose un projet de rupture », martèle François Fillon, qui n’insiste pas trop sur le fait qu’il ait, lui aussi, été Premier ministre (mais au XXIe siècle)…

La communication, « ce n’est pas fondamentalement dans sa nature… »

Et hop, en cinq minutes, voilà rhabillés pour l’hiver ces effrontés qui osent défier le candidat Fillon. Une attaque en règle qui répond à ce que beaucoup, dans son entourage, plaident depuis plusieurs mois : que leur champion mouille plus la chemise sur le ring médiatique. « On a besoin de booster la communication, c’est un chantier prioritaire », nous confiait récemment un député de ses soutiens. Avant d’ajouter, dans un soupir : « Vous le connaissez, ce n’est pas fondamentalement dans sa nature… » Invité du Talk Le Figaro le 15 mars,un autre filloniste, Bernard Accoyer, a dit tout haut ce que beaucoup murmurent, en admettant « un petit problème de communication ». « Peut-être qu’il faudrait qu’il s’exprime un peu plus souvent et un peu plus fortement », a-t-il suggéré.

« On lui répète assez régulièrement mais il nous répond : ‘Vous ne me ferez pas faire cela, ce n’est pas ce que les Français veulent’. Il est comme ça, il ne va pas changer », lâche, résigné, un autre député de son écurie. De fait, François Fillon s’est toujours méfié de la presse et se refuse à multiplier les apparitions médiatiques. Et même lorsqu’il est devant un micro, l’ancien locataire de Matignon se montre plus enclin à détailler la manière dont il va réduire les déficits qu’à critiquer ses adversaires. « Il fait de bons discours, mais il faut encore qu’il fende l’armure », constate un sénateur de son camp, qui lui conseille de développer son « animalité ». Rien que ça…

« Loser », « eunuque », « trouillard »…

En fait d’animalité, Fillon serait plus tortue que lièvre. Par le passé, Jean-Louis Borloo l’a même comparé à un « crocodile qui est capable de rester immobile sous l’eau pendant très longtemps, et qui n’en sort que quand il est sûr de pouvoir saisir sa proie », selon des propos rapportés par Le Figaro. C’est bien ce que craignent les proches de François Fillon : cette réputation de mollesse qui lui colle à la peau – et que certains dans sa famille politique ne se privent pas d’entretenir. « Courage, Fillon », raillent depuis longtemps ceux qui ne lui veulent pas du bien. Comme Rachida Dati, qui l’a déjà affublé des charmants qualificatifs de « trouillard » ou de « planqué de la vie ». Nicolas Sarkozy n’est pas en reste, lui qui aurait traité en privé son ancien Premier ministre de « loser » ou encore d’« eunuque ».

Lors de son duel face à Jean-François Copé pour la présidence de l’UMP, fin 2012, certains fillonistes s’inquiétaient déjà de cette image velléitaire. « On veut faire de moi un mou face à Copé », déplorait l’intéressé lui-même. On connaît la suite : son adversaire s’est imposé à la tête du parti après un psychodrame mémorable sur fond de soupçons de fraude. Aujourd’hui, la menace ne s’appelle plus Copé, mais Juppé et Sarkozy, qui le distancent dans les enquêtes d’opinion. Pour l’instant, François Fillon s’était concentré sur son projet, persuadé que le travail de fond ferait la différence. Mais à mesure que les mois passent – et que les sondages demeurent -, se serait-il décidé à changer de stratégie ?

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