L’article 2 du projet de révision constitutionnelle sur la déchéance de nationalité sera-t-il finalement retiré ? Alors que commence aujourd’hui au Sénat l’examen du projet, les problèmes s’empilent pour François Hollande. Avec des sénateurs de gauche comme de droite résolus à détricoter minutieusement le texte, les chances de réunir le Congrès de Versailles s’amenuisent. A moins que le gouvernement ne décide d’en finir tout bonnement avec la déchéance de la nationalité.
Alors que s’ouvrent ce mercredi 16 mars au Sénat les débats sur le projet de révision constitutionnelle, déjà, les problèmes s’amoncellent. Dès lundi, un amendement de suppression de l’article 2, celui sur la déchéance de nationalité, a été déposé et co-signé par 28 des 109 sénateurs du groupe socialiste. Des personnalités qui n’ont pas vraiment le profil de frondeur ce qui n’augure rien de bon pour l’exécutif. D’autant que les écologistes et les communistes ont eux aussi déposé leurs propres amendements de suppression.
« Si vous voulez appeler ça une fronde, un début de fronde au Sénat, c’est le cas. En tout cas, c’est sur nos principes républicains et là, on ne lâchera pas », s’échauffe la première signataire de l’amendement, Bariza Khiari, au micro de Public Sénat. Une situation qui n’est pas pour déplaire à Marie-Noëlle Lienemann, pour le coup frondeuse revendiquée, qui depuis le début du quinquennat, se sentait bien seule sur les bancs du Palais du Luxembourg : « Depuis le début, j’ai l’intime conviction que le débat constitutionnel sur la déchéance est une erreur stratégique car il entretient beaucoup de confusions et de divisions. On arrive à des positions ubuesques », analyse-t-elle devant les caméras de la chaîne parlementaire. Et pour compliquer le tout, les sénateurs de droite, en commission des lois, ont retoqué l’article 2, voté dans la douleur à l’Assemblée nationale, en réintroduisant la notion de « binationaux », balayant ainsi toute possibilité de créer des apatrides.
Retour à la case départ donc avec une disposition qui ne vise plus que les seuls binationaux, ce qui avait été à l’origine de la révolte dans les rangs des députés socialistes. A la sortie de la commission des lois, Philippe Bas, Sénateur LR et président de ladite commission, jouait même, un brin candide, le gardien du temple de la parole présidentielle : « Je ne vois pas comment, en adoptant une rédaction aussi proche de celle du discours du Président au Congrès, nous ne pourrions aller vers un accord ». Plus troublant, alors que François Hollande, pour obtenir le soutien de Nicolas Sarkozy et de la droite dans son ensemble, avait étendu la déchéance de nationalité aux délits, les sénateurs de droite et du centre ont aussi remanié cette partie qui ne concerne plus qu’ « une personne condamnée définitivement pour un crime constituant une atteinte grave à la vie de la Nation ». Un vent de fronde anti-sarkozyste soufflerait-il dans les rangs du groupe LR au Sénat ?
Résultat, le texte serait invotable en l’état dans l’hémicycle du Palais Bourbon. Car pour que François Hollande puisse réunir les parlementaires en Congrès à Versailles, il faut qu’Assemblée et Sénat s’accordent sur un même texte, à la virgule près. Et tant que ce n’est pas le cas, les deux chambres peuvent se renvoyer le texte en « navette » sans limitation dans le temps. De quoi repousser le vote de la révision constitutionnelle aux calendes grecques !
Sauf si François Hollande décide finalement de retirer cet article 2, objet de toutes les discordes, pour faire passer le reste de la révision constitutionnelle. C’est en tout cas la petite musique qui monte de plus en plus chez les socialistes même les plus « légitimistes ». Ainsi, Olivier Faure, député et porte-parole du PS qui, depuis le début est en désaccord avec l’idée de déchéance de nationalité soutient que « la sagesse est d’aller vers l’abandon de l’article 2, ce qui éviterait de diviser davantage le pays », comme le rapporte Libération. Toujours selon le quotidien, le doute se propagerait même chez les proches du Président : « Il faut arrêter après le Sénat, je l’ai dit à François », confie un ministre.
De quoi limiter sacrément les choix de François Hollande. Il peut maintenir coûte que coûte le texte voté aux forceps par les députés pour faire porter le poids de l’échec de la réforme sur la droite. C’est ce que croit deviner Patrick Devedjian qui, cité par BFMTV, estime que « l’objectif de François Hollande maintenant, c’est de faire porter la responsabilité d’un échec à la droite. » Dans ce cas, le Président de la République tirerait un trait définitif sur cette révision constitutionnelle tant voulue. Pour sauver la constitutionnalisation de l’état d’urgence, l’exécutif peut également décider de retirer l’article 2 et aller à Versailles l’esprit tranquille. Mais dans ce cas, les semaines de débats, avec une majorité mise sans dessus-dessous et une ministre démissionnaire, n’auraient finalement servi à rien. Entre deux maux, lequel va-t-il choisir ?
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