Chronique d'une AG étudiante contre la loi Travail : à Tolbiac ce 15 mars, l'Unef chahutée

Après un premier succès le 9 mars, et surtout après les modifications annoncées lundi par Manuel Valls sur le projet de loi Travail, les étudiants de la tour Tolbiac de Paris 1 se sont retrouvés en assemblée générale ce mardi 15 mars. Récit de trois heures plus tendues que prévu.

Un cheminot CGT, des lycéens, des enseignants… L’affiche est belle ce mardi 15 mars au 90 rue Tolbiac. A la tribune de l’amphi N du centre Pierre Mendès-France, des étudiants de Paris 1 accueillent divers intervenants pour mobiliser autant, si ce n’est plus, que la semaine passée. Ils étaient en effet 400 à marcher mercredi 9 mars de Tolbiac jusqu’à la place de la République – où les attendaient au moins 30.000 manifestants – après une AG qui avait réuni près de 700 étudiants.

Près d’une semaine après la première manifestation, au lendemain de l’annonce par Manuel Valls de modifications du projet de loi Travail et alors que leurs camarades de Paris VIII ont déjà voté le blocage de la fac pour ce jeudi, près de 400 étudiants ont préparé ce mardi la suite de la mobilisation.

« On ne peut pas seulement se mobiliser avec de petites AG. »« J’étais étudiant ici, à Tolbiac, il y a dix ans. Et je manifestais contre le CPE », commence Loulou, enseignant à l’université. « A l’époque, on a bloqué plein de gens, on a passé des nuits entières ici », témoigne celui qui préfère ne pas communiquer sa véritable identité. Et d’inviter ceux qui aujourd’hui occupent les bancs de l’amphi à « faire la grève », puisqu’on « ne peut pas seulement se mobiliser avec de petites AG ». Un appel que reprend à son compte un cheminot CGT de la gare d’Austerlitz, qui invite à « l’unité des travailleurs et des étudiants », contre « un projet de loi El Khomri-Gattaz, écrit pour les patrons, par les patrons ».

Si « l’opération cosmétique et de communication » du Premier ministre ne convainc ni les étudiants de l’Unef, ni le cheminot CGT qui évoque une « version 1 bis » du projet de loi présenté hier, un autre sujet va occuper le débat ce mardi : celui de la place prise par l’Unef, syndicat étudiant de gauche, dans la mobilisation.

« Ce n’est pas une AG, mais un meeting politique ! »

Après une vingtaine d’interventions, toutes appelant au retrait du texte porté par Myriam El Khomri, un jeune homme tout de gris vêtu prend la parole et assène : « Ce n’est pas une AG, mais un meeting politique ! ». Silence radio. « Sur les vingt intervenants qui ont pris la parole, je suis le seul à être non organisé, non syndiqué », poursuit-il. Et d’expliquer – sous les applaudissements croissants de l’auditoire – que l’assemblée générale de Paris VIII hier « était, elle, une vrai AG », car la mobilisation allait « au-delà de la simple condamnation de la loi », le « contrôle » exercé ici par les syndicats empêcherait une « vraie » mobilisation.

Se présentant comme apolitique, le jeune homme à la voix discordante est pourtant entouré de quelques acolytes, tous dénonçant, à l’image de Maya, « la mainmise de l’UNEF » sur les discussions. Gaël, élu à la direction locale du syndicat étudiant, tente de défendre sa paroisse, expliquant que – « dans sa discussion avec le gouvernement » – l’UNEF ne « lâche rien ». Ce à quoi la salle, chauffée par les dissidents, scande le nom de Bruno Julliard, ancien président du premier syndicat étudiant et aujourd’hui premier adjoint de la maire de Paris, érigé en exemple des anciens syndiqués étudiants devenus élus socialistes.

« Il ne faut pas que l’AG de jeudi se passe comme celle d’aujourd’hui. »Ces tensions ont très vite raison de l’assistance, qui se vide à une vitesse grand V, et des étudiants syndiqués. S’interrogeant sur la tenue d’une prochaine AG jeudi 17 mars, Emile – membre de Solidaires – concède qu‘il « ne faut pas qu’elle se passe comme celle d’aujourd’hui ». C’est finalement Philippe qui exprime le mieux le ressentiment général. Ce lycéen s’estime « déçu d’avoir perdu 1h40 de son temps » à cette AG, sa « première ». « Je pensais qu’on se trouverait dans un lieu de réflexion sur le travail, mais ce n’est pas le cas. Essayer seulement de galvaniser la foule comme vous le faites, c’est transformer la politique comme une activité et non comme un devoir », poursuit le jeune homme, visiblement ému. Et de conclure qu’il ne « reviendra pas dans une AG ».

C’est dans cette ambiance de flottements que l’assemblée générale procède aux différents votes. Malgré les tensions, fréquentes dans ce genre de réunion, les étudiants de la tour Tolbiac se retrouvent très vite sur le principal : de trois courtes voix, le blocage de l’université est adopté pour jeudi. Et la participation à la grève, précédée d’une nouvelle AG, sont, elles, retenues à une large majorité

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