"Moi, je ne me cache pas" : le coming out saoudien de Manuel Valls

Il « assume », il « ne s’en cache pas », tout cela est bien normal… En défendant la « relation stratégique » de la France avec l’Arabie saoudite ce mardi 15 mars sur RMC, Manuel Valls a tout juste effleuré la question des droits de l’Homme.

« Moi, je ne me cache pas, vous savez. » C’est ainsi que Manuel Valls a assumé ce mardi 15 mars sur RMC la légion d’honneur remise il y a dix jours au ministre de l’Intérieur saoudien, Mohammed ben Nayef, prince héritier d’Arabie saoudite. Une légion d’honneur attribuée en toute discrétion – avant que l’information ne fuite dans la presse – à celui dont le pays a exécuté plus de 150 personnes en 2015.

Mais Manuel Valls « assume« , dit-il, car la « relation stratégique » de la France avec la pénisule arabique vaut bien une petite décoration, avec les honneurs de cinq ministres français de haut rang au passage, là aussi en toute discrétion. Sur RMC, le Premier ministre déroule les éléments de langage recommandés par le directeur de la section Afrique du Nord et Moyen-Orient du ministère des Affaires étrangères :

« Nous avons une relation stratégique avec l’Arabie saoudite : il faut l’assumer ! Est-ce que pour autant nous partageons la nature du régime, son action dans des domaines… non ! Bien évidemment ! Mais nous avons une relation stratégique, pas une relation économique seulement (…) 

C’est une tradition que d’honorer des dirigeants, sinon nous ne discutons avec personne, nous n’avons aucune relation. Il y a quelques semaines, nous avons accueilli ceux qu’on présente comme les adversaires de l’Arabie saoudite, je veux parler du président iranien. Quelle est la force de la diplomatie française ? C’est de parler avec tout le monde.

Nous avons cette relation avec l’Arabie saoudite et parfois il faut souligner cet engagement. Moi je ne me cache pas, vous savez. La diplomatie, c’est quelque chose d’extrêmement compliqué. Et en ce moment, dans le Moyen-Orient, où il y a cette confrontation entre sunnites et chiites … (il ne termine pas sa phrase). »

Dans un cynique échange de mails révélé par Causette, ledit directeur de la section Afrique du Nord et Moyen-Orient recommandait ainsi :

“Il faut que ce soit discret vis-à-vis des médias mais sans dissimulation (…), si on nous interroge on répondra lutte contre Daech et partenariat économique et strategique. Rajoutons, pour faire bonne mesure, des éléments droit de l’Homme dans les éléments de langage bien sûr… »

Des éléments « droit de l’Homme » que Manuel Valls aura à peine effleurés ce mardi matin sur RMC.

Le Premier ministre décide en tout cas de revendiquer la relation de la France avec l’Arabie saoudite. Une relation décryptée par Marianne cette semaine dans un dossier de douze pages qui pointe les liaisons dangereuses entre les deux pays. A la lumière de plusieurs documents exclusifs que nous révélons, notamment des télégrammes diplomatiques, l’instrumentalisation de la France par le royaume saoudien pour faire pression sur l’administration Obama sur le dossier syrien est manifeste.

Malgré plusieurs alertes, les autorités françaises ont préféré se préoccuper de conclure plusieurs grands contrats entre des entreprises françaises et l’Arabie saoudite. Espérant récupérer quelque 30 milliards d’euros de contrats en début de quinquennat, les déconvenues de cette « diplomatique économique » ont pourtant été particulièrement nombreuses et au final, bien peu de signatures ont abouti.

 

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