Ce mardi 15 mars, la ministre du Travail a dû être satisfaite en écoutant le 7/9 de France Inter. Au lendemain de la présentation de son projet de loi remanié, on nous y a expliqué durant deux heures pourquoi la loi de Myriam El Khomri n’était finalement pas si mal que ça. En revanche, les syndicats…
Heureusement qu’il y a le service public ! Ce mardi 15 mars, tous ceux qui doutaient encore du bien-fondé de l’esprit de la loi El Khomri n’avaient qu’à s’asseoir bien sagement devant leur poste de radio, café en main, et se caler sur la fréquence de France Inter pour écouter religieusement le 7/9. Au diable les arguments de la CGT, de FO ou bien encore des syndicats de jeunesse comme l’Unef ! Il suffisait de tendre docilement l’oreille pour se persuader que notre ministre du Travail, Myriam El Khomri, tout comme notre Premier ministre Manuel Valls, ne veulent absolument aucun mal à notre code du travail.
Tout commence par la chronique de Thomas Legrand. Dans un exercice d’équilibriste, se refusant à parler du contenu même « d’un texte certes votable », l’éditorialiste de gauche se pâme devant la manœuvre du président de la République qui, « en assumant de se passer de l’accord de FO et de la CGT et du Medef, délimite une sphère politique et syndicale du compromis ». Etrange, d’accoler dans ce raisonnement le Medef à la CGT et FO, sachant que la loi El Khomri reprend de vielles revendications du premier sans satisfaire les deux autres. Peu importe, l’éditorialiste salue là l’habileté de Hollande. Même si, comme il est obligé de le reconnaître, « cette sphère du compromis est assez réduite, sans doute minoritaire », il se réjouit néanmoins : « Elle est maintenant identifiée clairement ». Ouf ! Quant à la CGT, FO et les syndicats de jeunesse, ils seront sûrement heureux d’apprendre qu’ils appartiennent rien de plus qu’« au parti de l’affrontement permanent, du tout ou rien, donc du rien ».
Pas le temps de souffler, Dominique Seux, directeur de la rédaction du journal Les Echos, prend la suite de l’opération dézingage de ces satanés syndicats. Lui regrette les concessions que leur a faites Manuel Valls, une erreur : si « le texte n’est pas 100% vidé de sa substance (re-ouf), il n’y aura sûrement pas pour les chefs d’entreprises, car après tout ce sont eux qui embauchent, l’effet de choc, de souffle pour changer la donne, pour débloquer psychologiquement les embauches », assène-t-il. Et peu importe que dans la vie réelle, les PME manquent surtout cruellement de financements des banques, occupées à investir dans la bulle financière, ainsi que de commandes pour embaucher : le problème c’est qu’à cause des syndicats, la loi El Khomri remaniée n’est pas « psychologiquement » au rendez-vous.
Heureusement, pour introduire un peu de diversité dans ce concert unanime, Léa Salamé a eu la bonne idée d’inviter… le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau. La journaliste le lance sur la loi travail : « C’est indispensable d’avancer, le statu quo n’est pas une option pour la France », répond le banquier. Dans le studio de France Inter, on se renvoie alors la balle entre gens raisonnables : « Parmi les comparaisons de Dominique Seux, je vais rester sur l’Italie… », poursuit Villeroy de Galhau pour vanter la réussite des réformes libérales mises en place de l’autre côté des Alpes. Et peu importe qu’il n’existe pas d’unanimisme chez les économistes sur le sujet : « Ce n’est pas de l’idéologie, ce n’est pas de la théorie économique abstraite, c’est des résultats très concrets ». Nous voilà rassurés.
Pour les confrères récitant des mantras sur la prétendue réussite des politiques austéritaires en UE. #LoiTravail pic.twitter.com/r9OCzyJIWf
— Sylvain Ernault (@SylvainErnault) 10 mars 2016
C’est Daniel Cohn-Bendit qui viendra nous délivrer le mot de la fin, la solution ultime pour que la France sorte enfin la tête de l’eau et retrouve le chemin du dialogue social : « Pourquoi ce gouvernement de gauche ne se met pas d’accord en amont avec la CFDT ? Pourquoi ? », questionne-t-il rageusement. Oui, pourquoi s’entêter à discuter avec toutes les centrales syndicales ? Allez hop, dehors la CGT, FO, Solidaires, FSU et consorts ! Quand est abordé le contenu de la loi, la voix se fait plus douce, câline presque : « Moi j’aurais tendance à suivre, puisque je suis suiviste (ah tiens ?!) la CFDT et de dire ‘oui, ça va dans la bonne direction’. Maintenant, je ne suis pas syndicaliste »… En tout cas, pas à la CFDT, faudrait-il ajouter, puisque manifestement pour France Inter, seul ce syndicat a voix au chapitre sur la loi El Khomri.
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