Projet El Khomri : même le futur rapporteur de la loi a des doutes

Alors que Manuel Valls doit annoncer ce lundi 14 mars les modifications apportées à l’avant-projet de refonte du code du travail en espérant calmer les syndicats de jeunesse et de salariés, deux députés PS ont adressé une lettre au gouvernement pour « faire savoir [leur] opposition sur plusieurs dispositions ». L’un des deux signataires n’est autre que le futur rapporteur du projet de loi El Khomri…

Si même les soutiens se dérobent… Les députés socialistes Catherine Lemorton, présidente de la commission des Affaires sociales, et Christophe Sirugue, ont adressé vendredi une lettre au Premier ministre, révélée ce lundi 14 mars par France Info, dans laquelle ils réclament la suppression ou la réécriture de plusieurs dispositions de l’avant-projet de loi El Khomri. Si les deux parlementaires prennent bien soin de rappeler leur accord avec l’objectif initial du texte, qu’ils identifient comme étant de « protéger de manière effective les salariés avec des mesures appropriés et accorder de nouveau droits » tout en offrant « plus de souplesse aux entreprises », ils écrivent aussi vouloir « faire part de [leurs] interrogations voire même de [leur] opposition sur plusieurs dispositions, dont certaines ont été ajoutées à la dernière minute ». Une prose qui semble tout droit sortie de la bouche des frondeurs et pourtant… si le nom de Christophe Sirugue ne vous dit rien, il est loin d’être un inconnu pour le gouvernement : depuis le mois de novembre, il est pressenti pour être le futur rapporteur de la loi El Khomri ! Etrange situation.

Sur deux pages, les deux députés égrènent leurs nombreuses doléances. Ils réclament notamment la suppression du plafonnement des indemnités prud’homales en cas de licenciement abusif, faisant écho aux revendications des syndicats. Ils souhaitent voir aussi disparaître la possibilité pour un employeur de licencier un salarié pour motif personnel en cas de refus de ce dernier de se voir appliquer des dispositions d’un accord pour l’emploi. Eux veulent s’en tenir au licenciement économique. Dans leur viseur également, l’article 30 bis de l’avant-projet qui dispose que les difficultés économiques sont caractérisées « par tout élément de nature à justifier de ces difficultés ». Les deux députés socialistes considèrent que ce « n’est pas acceptable tant cette formulation est floue et source de conflictualité ». Enfin, ils s’opposent à la possibilité pour un groupe qui réalise des bénéfices à l’étranger de pouvoir procéder à des licenciements économiques dans sa filiale française :

« L’adoption d’une telle disposition permettrait à un groupe florissant de sacrifier sa filiale française et ses salariés en organisant une baisse du chiffre d’affaire de celle- ci. Une possibilité tout à fait contraire à la lutte que nous menons depuis 2012 », s’émeuvent-ils.

« Les modifications substantielles concernant le temps de travail »

Les deux parlementaires pointent également du doigt « les modifications substantielles concernant le temps de travail » ouvertes par l’avant-projet. Autre point de friction, « la place importante » donnée « à la décision unilatérale de l’employeur » au détriment d’autres procédures, ou l’ouverture de la voie référendaire pour passer outre l’opposition des syndicats majoritaires qui « risquerait de porter atteinte aux acteurs du dialogue social ». Un pilonnage en règle dont les « frondeurs » n’auraient pas rougi.

Au-delà du choc provoqué chez nos deux socialistes par un texte d’inspiration très droitière, Christophe Sirugue faisait savoir depuis quelques semaines ses réticences à endosser le rôle de rapporteur d’un projet de loi aussi contesté. Cette lettre est un bon moyen pour lui de s’aménager une porte de sortie en cas de « jusqu’au-boutisme » du gouvernement.

En début d’après-midi ce lundi 14 mars, Manuel Valls réunira les organisations syndicales, patronales et de jeunesse pour leur soumettre des modifications à l’avant-projet de loi avec l’espoir de calmer la grogne syndicale. Mais en cas de simple évolution cosmétique, le Premier ministre risque de réussir le tour de force de jeter dans la rue, lors de la manifestation du 31 mars, les socialistes même les plus légitimistes. Fortiche…

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