Le "Muckbang", cette insensée solution anti-solitude des Sud-Coréens

Le « Muckbang », une discipline à la mode qui consiste à avaler des quantités phénoménales de nourriture en se filmant devant son ordinateur, fait de plus en plus d’adeptes sur Internet en Corée du Sud. Objectif : lutter contre la solitude et se faire un peu d’argent au passage. Vous avez dit flippant?

Manger le plus possible en direct sur Internet. Ça ressemble à un de ces défis absurdes qui pullulent sur les réseaux sociaux et qui s’évaporent aussi vite qu’ils sont arrivés. Sauf qu’en Corée du Sud, la pratique du #Muckbang (littéralement « manger en ligne » en coréen) fait de plus en plus d’adeptes. Le principe est simple: ingurgiter le plus de gâteaux, de soupe, de nouilles, de yaourts ou de hamburgers possibles devant son ordinateur, le plus souvent seul mais parfois à plusieurs. Le tout agrémenté de quelques rots bruyants et d’éclats de rire. On compte désormais près de 15 000 mangeurs, les « broadcast jockies » ou BJ’s, adeptes de ce « food porn », un mélange de voyeurisme gastronomique et de dérive de la société de consommation. Et près de 500 000 spectateurs par jour sur Internet.

Parmi les raisons invoquées pour expliquer ce phénomène, certains mettent en avant la tradition très ancrée, autrefois, du dîner familial chez les Coréens, comme cet homme interrogé par Munchies, une chaîne du groupe Vice: « Dans le passé, manger le dîner tous ensemble après le boulot était un aspect important de la culture coréenne. Aujourd’hui, de plus en plus de gens habitent seuls, la tradition se perd petit à petit. » Si l’histoire a débuté en Corée, le Muckbang se propage un peu partout, notamment aux Etats-Unis.

Assis pendant des heures devant leur écran, certains Youtubeurs ont même fait de leur estomac leur outil de travail. BJ Godessju, BJ Patoo ou BJ Beomprika, parmi les plus connus, se filment dans leur chambre, dans leur bureau ou dans leur cuisine en train de manger des kilos de porc, de bœuf et de légumes. Certains se maquillent et font un véritable effort sur la production de leurs vidéos. Certains sont même bodybuildés, comme BJ Banzz, qui allie culte de la performance sportive et culinaire à la fois ; tandis que d’autres y apparaissent complètement au naturel, en tshirt et devant leur lit rempli de poupées ou de peluches enfantines. Ce qui donne un aspect encore plus étrange à cette discipline.

Gagner de l’argent et vaincre sa solitude

Cette pratique du Muckbang a tellement explosé qu’elle permet désormais, à certains, d’en vivre pleinement. En 2014, le site Business Insider citait l’exemple de cette Sud-Coréenne de 34 ans prénommée Park Seo-yeon, qui avait quitté son emploi de consultante pour se lancer à plein-temps dans cette course au goinfrage. Elle gagnait ainsi près de 6 600 euros par mois, rien qu’en se filmant en train de manger près de trois heures par jour. Ses milliers de spectateurs la rémunéraient en effet pour ses vidéos. D’autres ont carrément des sponsors et participent à des émissions de télévision depuis leur apparition dans le monde du Muckbang. Une véritable consécration pour certains qui, comme BJ Banzz, ont enchaîné les petits boulots avant d’être connus. Et réunissent désormais des milliers de personnes.

« C’est comme une cour de récréation où les gens qui m’aiment sont rassemblés autour de moi »

Car c’est l’un des aspects les plus importants du Muckbang, qui pouvait paraître au départ dénué de tout fondement rationnel. Il permet à des hommes et à des femmes de dîner ensemble, virtuellement, et de se retrouver autour d’un écran pour ne plus se sentir seuls. BJ Diva, par exemple, est une jeune femme qui peut avaler des kilos de nourriture sans prendre un gramme. Elle gagne près de 15 000 euros par mois rien qu’en mangeant devant sa caméra. Interrogée dans l’émission « L’Effet Papillon » de Canal Plus, ce dimanche 13 mars, elle souligne que c’est aussi, pour elle, un bon moyen de combattre sa solitude: « J’aime le Muckbang. Si je n’avais pas cet espace, je n’aurais plus d’espoir« , souligne-t-elle, le plus simplement du monde. « C’est comme une cour de récréation où les gens qui m’aiment sont rassemblés autour de moi ».

Lors des shows en live, les internautes connectés peuvent ainsi communiquer via des petits messages en ligne, mots doux, encouragements taquins ou simples smileys, tout y passe. « Les gens aiment me regarder manger mais nous avons aussi de nombreuses conversations », détaillait par exemple Lee Chang-hyun, un de ces adeptes du Muckbang, à la BBC début 2015. « On parle de tout et de rien. Je leur donne aussi des conseils sur les problèmes qu’ils preuvent traverser dans leur vie. Et comme ça, c’est comme si nous avions une véritable relation. » Tout est dans le « comme si« …

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