La bonne nouvelle américaine

A ne s’intéresser qu’aux pitreries de Trump, la seule bonne nouvelle d’outre-Atlantique est passée inaperçue : Hillary Clinton a fait son autocritique sur le libre-échangisme.

Il n’y en a que pour Trump. En rire. En pleurer. S’indigner. Les journalistes français adorent. Mais, à ne s’intéresser qu’aux pitreries du candidat républicain, la seule bonne nouvelle d’outre-Atlantique est passée inaperçue. Un événement. Hillary Clinton a fait son autocritique sur l’un des dogmes américains : le libre-échangisme. Elle s’est prononcée contre le traité de libre-échange transpacifique signé en février. « Selon ce que j’ai appris, je ne peux pas soutenir cet accord« , a-t-elle déclaré. Une volte-face spectaculaire : secrétaire d’Etat d’Obama de 2009 à 2013, elle sillonnait l’Asie pour vanter ce « nouvel étalon-or » de l’économie mondiale ! Le président, qui doit faire ratifier par le Congrès sa grande œuvre, se sent trahi. Il n’est pas le seul. Ce traité a pour modèle l’accord de libre-échange avec le Mexique que… Bill Clinton a fait voter en 1993. Bill Clinton, le grand gourou du libre-échangisme qui a libéré la spéculation financière des banques. Hillary n’a réalisé que récemment l’erreur de son mari, mais elle apprend vite. « On commence à en savoir beaucoup sur les accords commerciaux que nous avons conclus ces dernières années. Ils finissent par faire plus de mal que de bien aux familles américaines dont les salaires ont à peine bougé ces dernières années. » Un euphémisme : 90 % des ménages américains n’ont connu aucune progression de leur pouvoir d’achat depuis trente ans. Les importations asiatiques expliquent près de la moitié de la destruction d’emplois industriels depuis 1990. Après le prolétariat, la classe moyenne est atteinte.

Les candidats ont senti le vent tourner et s’alignent tous sur ce nouveau scepticisme. Mais, là-bas, on ne les traite pas de « populistes« . Parce que The Economist, la bible du néolibéralisme, dit la même chose : « Les salariés des pays riches ont plus souffert de l’essor de la Chine que les économistes ne le pensaient, une exposition soudaine à la concurrence étrangère peut faire baisser les salaires et l’emploi pour une décennie. » Ce n’est pas tant le sort des victimes du libre-échangisme qui inquiète que l’efficacité réelle de ce dernier. Le FMI vient d’expliquer que les inégalités folles qu’il produit nuisent à la croissance : cette guerre entre prolétariats mondiaux enrichit une petite classe d’hyper-riches investissant peu et consommant de manière stérile (bulle immobilière, art contemporain), alors que les pauvres s’endettent et que les Etats doivent soutenir bas salaires et consommation au détriment des investissements. Cette mauvaise répartition de la valeur ajoutée invalide la fameuse théorie du « ruissellement » des fanas de la globalisation.

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