Amine El-Khatmi : "Au PS, la laïcité est un véritable tabou"

Amine El Khatmi, maire-adjoint socialiste d’Avignon, est l’un des initiateurs du manifeste pour un Printemps républicain. Pour ce jeune élu, il y a urgence à « s’organiser concrètement pour mener ce combat de la laïcité » face à la montée en puissance des attaques contre les principes républicains.

Marianne. — Comment est née l’idée de ce Printemps républicain dont vous êtes l’un des initiateurs ?

Amine El Khatmi. — On a assisté, durant ces derniers mois, à des débats publics de plus en plus tendus notamment autour de l’Observatoire de la laïcité. Et certains d’entre nous qui prenions part à ces échanges se sont fait violemment attaquer par des gens qui semblaient très bien organisés. Or nous, face à cela, nous étions éparpillés. Nous n’avions que notre bonne volonté, nous qui défendons la laïcité. C’est de ce constat-là que avons décidé de nous rassembler, de nous organiser concrètement pour mener ce combat de la laïcité. Et comme les partis politiques ont failli sur ce terrain, qu’ils ne veulent pas mener cette bataille, il fallait créer une structure de riposte. Il y a aussi cette attente chez nos concitoyens. Je reçois depuis plusieurs semaines des centaines de courriers de personnes qui expliquent qu’elles sont en total accord avec le combat que nous menons mais que malheureusement, faute de structure, elles se sentent bien seules. C’est la raison même du Printemps républicain.

 

Vous parlez d’attaques. Comment se sont-elles manifestées ?

Au niveau local, à Avignon, nous sommes très soutenus. Nous avons à la tête de la ville une femme politique qui est très convaincue sur ce sujet-là et qui a toujours refusé toute forme de clientélisme. C’est surtout une violence qui se déverse sur les réseaux sociaux. Ce qui m’a marqué d’ailleurs, c’est l’organisation quasi-militaire de ces gens-là. Comme s’il y a avait des google groups de riposte équivalant à ce que les partis politiques mettent en place lors des campagnes… Il y a certainement des personnes qui consacrent énormément de temps à lancer des cabales contre les défenseurs de la laïcité. C’est ce qui m’a convaincu de cette nécessité que nous, républicains, nous devions nous organiser. Ce n’est pas à nous, qui ne nous bornons qu’à rappeler des évidences, de nous taire. Le Printemps républicain servira aussi à ça. A faire entendre de nouveau, et de manière commune, une voix républicaine.

 

Au sein de votre famille politique, le Parti socialiste, où en est le débat sur la laïcité ?

Au PS, la laïcité est un véritable tabou. Il suffit de constater que nous avons un secrétaire national au sport, à l’outre-mer ou au numérique mais aucun secrétaire national chargé de la laïcité… C’est aberrant. Il existe aujourd’hui au PS trois pôles. Ceux qui se battent pour que les socialistes se saisissent de cette question et défendent la laïcité. Pour éviter que le FN récupère ce combat-là, en sachant parfaitement que dans la bouche de Marine Le Pen, la laïcité n’est qu’un simple outil de stigmatisation des Français musulmans. Il y a ceux qui disent qu’il ne faut surtout pas en parler, que ce n’est pas un sujet et qu’il y a des questions plus graves. Enfin, ceux qui ont plongé ouvertement dans le clientélisme communautaire et sont protégés par le PS. Pour certains, il est plus important de garder une ville que de savoir comment on le fait.

 

Y a-t-il vraiment « urgence », comme vous l’écrivez dans votre appel ?

Il y a, je pense, un virage dangereux qui est en train de s’opérer. Je le ressens depuis quelques mois. On est arrivé à un tel niveau de violence que l’on ne peut plus débattre sereinement de sujets sans que cela provoque des montées en pression considérables. Sur des choses qui semblent pourtant évidente comme l’a pu faire Céline Pina, pointant la main mise des salafistes sur le Salon de la femme musulmane, qui a été accusé d’instrumentaliser l’affaire pour garder sa place de conseillère, ou lorsque l’on s’interroge sur ces élus de la République qui arborent des signes religieux visibles. On est tout de suite pris à partie. Celui qui lance l’alerte se retrouve alors sur le banc des accusés.

 

Le Printemps républicain se limitera-t-il à un simple événement ou souhaitez-vous lui donner une forme pérenne ?

On ne se bat pas simplement pour faire un coup, un one shoot et puis s’en va. Cela ne servirait à rien. L’idée du Printemps républicain est de s’organiser dans le temps. Mais nous n’en sommes qu’au début de la réflexion. Je ne sais pas encore quelle forme cela prendra. Ce qui est clair, c’est que le Printemps républicain qui sera lancé le 20 mars ne fait que commencer. Il suffit de voir la diversité et la richesse des personnalités qui ont signé notre appel pour voir son potentiel.

 

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