Au printemps 2015, Nicolas Sarkozy reçoit à tour de bras des journalistes pour tenter de les convaincre qu’il n’a pas perdu la main. Deux d’entre eux publient dans un livre des extraits de ces conversations « off ». Où l’on découvre un Sarkozy sans filtre…
Il ne s’en vante pas tellement, mais Nicolas Sarkozy rencontre régulièrement des journalistes en toute discrétion. Comme la plupart des politiques, l’ancien chef de l’Etat est un adepte des déjeuners en « off », ces entrevues qui permettent aux politiques de distiller leurs confidences sous le sceau de l’anonymat – et qui alimentent tant de fantasmes sur la supposée connivence politiques/journalistes. Une pratique qu’il a beaucoup utilisée avant sa victoire de 2007, et avec laquelle il renoue au printemps 2015 pour tenter de convaincre la presse que non, son retour n’est pas raté, et que oui, il sait ce qu’il fait et où il va. L’un de ces déjeuners est raconté par les journalistes Laurent Bazin et Alba Ventura dans Le bal des dézingueurs (Flammarion), un livre qui révèle un paquet de petites phrases glissées entre la poire et le fromage par des politiques de tous bords, dans le secret des restaurants parisiens.
Ce 19 mai 2015, Nicolas Sarkozy reçoit donc plusieurs journalistes pour l’une de ces conversations à bâtons rompus. « Les déjeuners sont toujours organisés au siège de l’UMP, rue de Vaugirard, dans la salle à manger du dixième étage », racontent les auteurs. Sarkozy y paraît fidèle à lui-même : il ne doute de rien. « Je n’ai pas peur de la primaire », affirme-t-il. « Quand j’ai été battu, les Français ne m’ont pas humilié. Et puis je suis sorti jeune de l’Elysée… » Il a fait ses calculs : « Pour gagner la présidentielle, il faut 21 millions de voix, pour gagner la primaire il suffit d’un million et demi ! Et ce sont les plus motivés ! »
« Ce n’est pas moi qui voulais revenir… C’est vous ! »
A l’entendre, ce sont les médias et la foule en délire qui ont appelé à son retour en politique, pas lui. « Ce n’est pas moi qui voulais revenir… C’est vous ! C’est vos auditeurs ! Vous parliez de moi tout le temps ! », assène-t-il sans rire aux journalistes conviés à sa table. Et puis, « quand j’allais au restaurant, il y avait deux cent cinquante personnes dehors ! Je suis revenu parce que la place était vide… Je suis revenu pour défoncer le FN… C’est à moi de le faire et à personne d’autre !«
A ce même déjeuner, Nicolas Sarkozy éreinte le premier secrétaire du Parti socialiste. « Cambadélis, il me traite de “xénophobe” parce que je m’en prends à Mme Taubira et à Mme Belkacem… Je comprends mieux pourquoi il a acheté ses diplômes, ce demeuré ! » Une allusion claire aux révélations d’un journaliste de Mediapart – démenties par l’intéressé – selon lesquelles Jean-Christophe Cambadélis aurait usurpé une partie de ses titres universitaires. Sarkozy, qui avait effectivement fait des ministres Christiane Taubira et Najat Vallaud-Belkacem des cibles de choix dans ses meetings, poursuit en se justifiant : « Xénophobe… C’est pour les étrangers, non ? Elles sont étrangères, Mme Taubira et Mme Vallaud-Belkacem ? Alors, on ne peut plus rien ? Et moi… J’avais bien Rachida Dati et Rama Yade, non ? » C’est caution contre caution, semble suggérer un Sarkozy totalement décomplexé.
Les conférences rémunérées, « ça me change du bureau politique de l’UMP ! »
L’ex de l’Elysée, qui donne toujours des conférences grassement rémunérées à travers le monde, assure également lors de ce déjeuner qu’il va « continuer » à le faire. « Ça me plaît beaucoup. Mais je paie des impôts dessus, hein ! Est-ce que j’en ai honte ? Non. Est-ce que je dois m’excuser ? Non. » Nicolas Sarkozy n’est visiblement pas peu fier d’avoir rejoint le club très sélect des personnalités sollicitées pour intervenir dans les plus grandes capitales : « Vous savez, je suis entré dans le book des conférenciers internationaux. Je suis au niveau de Clinton… J’adore ça. » Et il ajoute, vachard : « Ça me change du bureau politique de l’UMP ! »
Nicolas Sarkozy vante aussi à ses interlocuteurs ses progrès en anglais. Et il livre sa méthode miracle pour apprendre la langue de Shakespeare, avec laquelle il n’a jamais été très à l’aise : « J’ai écrit de ma main 434 mots de vocabulaire. Je les apprends par cœur et je révise tous les week-ends. C’était mon challenge ! Maintenant, je lis en anglais, c’est ma grande fierté. »
Les journalistes sont enfin honorés de confidences sur les soirées DVD de Nicolas Sarkozy. « Ce jour-là, il est fier d’avoir vu avant tout le monde la saison 5 de Downtown Abbey (il prononce « Abbaye » à la française) », écrivent Laurent Bazin et Alba Ventura. Mais l’ancien président varie les plaisirs, puisqu’il déclare à l’auditoire s’être offert l’intégrale de l’humoriste Jean-Yves Lafesse… Et il rigole : « Il y a deux DVD, parce qu’il y en a deux : Lafesse droite et la Lafesse gauche » (sic). Sans filtre, on vous dit.
Powered by WPeMatico
This Post Has 0 Comments