Considéré comme trop critique et proche de l’opposition, « Zaman », le plus grand quotidien de Turquie a été purement et simplement mis sous tutelle par l’État. Un procédé scandaleux qui n’est pas une première sous la présidence de Recep Tayyip Erdogan.
Imaginez Le Monde placé sous tutelle par un tribunal, puis investi par la police et enfin, imprimé avec une ligne éditoriale digne d’un communiqué de l’Elysée. C’est exactement ce qui est en train de se produire en Turquie où Zaman, le plus gros tirage de la presse quotidienne nationale (650.000 exemplaires par jour), a été placé sous tutelle judiciaire par un procureur d’Istanbul le vendredi 4 mars. Le soir-même, la police a fait usage de gaz lacrymogène et d’un canon à eau pour disperser la foule qui cherchait à l’empêcher de pénétrer dans les locaux du journal.
Ce coup de force s’inscrit dans le cadre de l’enquête sur l’opposant au président Recep Tayyip Erdogan, l’intellectuel et prédicateur Fethullah Gülen. Réputé proche de cet homme exilé aux États-Unis, Zaman se trouve donc désormais aux mains du pouvoir turc et ses journalistes ont été muselés : « Blocage de l’Internet, disparition des fichiers gardés en archives numériques, fermeture des messageries courriel », liste Le Figaro.
Et, Ô surprise, ce dimanche, le quotidien turc publie en une un article sur un projet de construction d’un pont gigantesque à Istanbul, défendu par le gouvernement. Et met également en scène le président Erdogan tenant la main d’une femme âgée, ainsi que des photos de funérailles de soldats tombés au cours de combats contre la rébellion kurde. Autrement dit, un virage à 180 degré avec la ligne habituellement très critique envers le gouvernement de Zaman. Une édition qui n’a bien sûr pas été réalisée par les journalistes de Zaman, confirment les témoignages recueillis par l’AFP. Et que le rédacteur en chef de Zaman France ne se prive pas de railler sur Twitter :
Comme il se doit, Zaman est devenu pro-Erdogan du jour au lendemain. C’est purement une procédure judiciaire(!) pic.twitter.com/js4S5Ly5ld
— Emre Demir (@emredemirfr) 6 mars 2016
Cette censure n’est pas une première en Turquie. En octobre 2015, un tribunal d’Ankara avait déjà mis sous tutelle le groupe de médias Koza-Ipek, confiant leur gestion à des administrateurs proches de Recep Tayyip Erdogan. Les 22 médias de ce groupe ont depuis été fermés par la justice.
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