Islamisme radical en prison : à Fleury-Mérogis, le huis clos des gourous, des recrues et des repentis

Rares sont les caméras de télévision qui ont pu pénétrer dans l’enceinte de la prison de Fleury-Mérogis dans l’Essonne, la plus grande maison d’arrêt d’Europe. Dans un documentaire diffusé ce 3 mars au soir sur France 3, l’administration pénitentiaire a toutefois accepté qu’une équipe de journalistes filme et raconte, à travers les témoignages forts des divers intervenants, dont des repentis, l’ampleur et la banalité de l’islam radical derrière les barreaux.

Fleury-Mérogis (Essonne) : la plus grande prison d’Europe. Rares sont les caméras de télévision qui ont pu y rentrer. Dans un documentaire diffusé ce soir sur France 3 Islamistes en prison, les prophètes de l’ombre – l’administration pénitentiaire a toutefois accepté d’ouvrir, en partie, les portes de l’établissement qui accueille désormais 211 individus radicalisés, soit le plus grand nombre d’islamistes radicaux écroués en France.

Posés, calmes, presque « doux«  décrit l’ancien juge antiterroriste Marc Trévidic, leur attitude contraste avec les provocations quotidiennes des petits caïds. « La justice on vous baise« , « l’administration on la nique« , crient d’ailleurs ces derniers depuis leur cellule dès les premières images du documentaire. Loin donc du profil discret, voire effacé de ceux qui charbonnent dans l’ombre et la promiscuité de la prison à la recherche des nouveaux soldats d’Allah.

De ces gourous, recruteurs, on ne verra rien. Mais on entendra parler, non seulement les divers intervenants (personnel pénitentiaire, juge, imam etc.) qui les côtoient, mais aussi et surtout leurs recrues. Témoignages précieux, ils décrivent la banalité de l’embrigadement qui commence souvent de la même manière, par une clope, de la nourriture ou des vêtements, dont manquent en particulier les arrivants, détenus plus vulnérables.

Ainsi Boris décrit-il son basculement. Dans la cellule de ses anciens mentors, « il y avait des dattes, du lait, il y avait tout« , explique-t-il. Un jour, dès le début de sa détention, ils lui disent : « Tiens, il y a un colis pour toi. Toi tu acceptes, tu te dis c’est gentil« , le « partage«  poursuit le jeune homme. S’ensuivent rapidement d’intensifs entraînements physiques, pendant les promenades. Des centaines de pompes « 500 à l’heure (…) dans un premier temps et « ils vous font monter à 600, 700, 1000« . L’objectif ? Faire de leurs poulains, et de Boris, aujourd’hui repenti, de futurs combattants.

Un ancien membre de la bande des Buttes Chaumont, dans le 19e arrondissement de Paris, au contact duquel se sont radicalisés les frères Kouachi, auteurs de l’attentat contre Charlie Hebdo, le confirme à Marianne. « C’est pas le sport dans l’esprit d’avoir un corps sain. Ce n’était pas dit clairement mais on le savait« .

Connaissances dedans, complices dehors

L’imam du groupe qu’a fréquenté Karim, un ancien braqueur condamné à 6 ans de prison, s’est quant lui montré moins ambigu. « Soudainement il a changé de visage« , raconte en effet Karim dans le documentaire. Il fallait faire le djihad, autrement dit « tuer » les ennemis d’Allah. Karim refuse. Boris, lui, n’ira pas jusque-là mais souligne un point très important : lui comme d’autres islamistes radicaux qui ont fait connaissance derrière les barreaux continuent à se fréquenter à leur sortie de prison.

C’est comme s’il y avait dehors « une équipe qui prenait la relève ». « Tiens il y a une petite enveloppe pour toi, pas grand chose », disent-ils. « Comme si on était encore en prison' » confie Boris. « Après un jour ils vont venir te poser un sac où il y a de la drogue, tu vas la stocker, tu la vends. Puis tu vois que dans le sac il n’y a plus de stupéfiants » mais des « pistolets et des fusils » (…) « Tu te dis quoi ? Cet argent là nourrit le terrorisme. »

« Ils croient qu’ils s’approchent de Dieu en tuant les autres, erreur fatale, (…) dans l’emprise, tu disparais, tu n’existes plus, ils volent le côté humain en toi », résume l’imam de Fleury-Mérogis lors d’un prêche à laquelle assiste les caméras. Comme lui, ils sont presque deux centaines d’aumôniers dans toute la France à tenter de discuter avec les détenus musulmans radicalisés ou non. Pas assez.

Jonathan, en prison pour avoir hissé le drapeau de Daech sur le toit de sa maison où il stockait des explosifs, lui, n’entend plus leurs paroles. Joint par téléphone par France 3, il dit avoir par ailleurs cessé « d’écouter de la musique », de « serrer la main des femmes », depuis qu’il a commencé « à écouter les chants islamiques »…

 

*Islamistes en prison, les prophètes de l’ombre, France 3.
Diffusion à 23h15 ce 3 mars.

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