Viol : ces affligeantes idées qui nous habitent

Un sondage Ipsos pour l’association Mémoire traumatique et victimologie nous livre la première photographie des « représentations sur le viol et les violences sexuelles » en France. Où l’on constate que dans l’imaginaire collectif, trop souvent encore, « la victime, c’est la coupable ».

Il faut le lire pour le croire. Une enquête publiée ce mercredi 2 mars d’après un sondage Ipsos pour l’association Mémoire traumatique et victimologie, les idées fausses et les clichés sur le viol ont la vie dure dans la mentalité française. Ainsi, pour quatre Français sur dix, la responsabilité du violeur est moindre si la victime se montre aguichante. Et pour deux sur dix, « un ‘non’, veut souvent dire ‘oui' »… Revue de clichés.

« Un homme a plus de mal à maîtriser son désir sexuel qu’une femme »

Nombre de Français (61%), et même encore plus de Françaises (65%), considèrent aussi qu’un homme a plus de mal « à maîtriser son désir sexuel qu’une femme« , d’après ce sondage. « C’est le mythe sexiste d’une sexualité masculine naturellement violente, pulsionnelle et prédatrice« , relève l’association dans cette première photographie des « représentations sur le viol et les violences sexuelles« .

« Les femmes peuvent prendre du plaisir à être forcées »

Certains stéréotypes semblent particulièrement ancrés chez les jeunes : près d’un tiers (30,7%) des 18-24 ans assurent que « les femmes peuvent prendre du plaisir à être forcées lors d’une relation sexuelle« . Une opinion qui pourrait être corrélée à la banalisation de la pornographie sur internet, toujours plus « hard« , relève l’association.

« Une fellation n’est pas un viol »

Si la quasi-unanimité des Français-e-s (96%) qualifient à juste titre de viol le fait de forcer une personne qui le refuse à avoir un rapport sexuel, 24% considèrent par exemple qu’une fellation forcée relève de l’agression sexuelle, non du viol. Ce que contredit la définition de ce crime dans le Code pénal : « Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte, menace ou surprise, est un viol ».

« Elle l’a bien cherché… »

De même, les notions de contrainte et d’emprise sont mal reconnues. Plus d’un Français sur quatre (26%) juge que lorsque l’assaillant menace sa victime et qu’elle ne résiste pas, ce n’est pas un viol mais une agression sexuelle. Flirter, adopter une attitude séductrice, accepter d’aller seule chez un inconnu, constitue aussi pour plus d’un quart des Français-e-s (27%) un motif de déresponsabilisation du violeur, sur le mode « Elle l’a bien cherché…« .

« Forcer sa conjointe n’est pas un viol »

Une proportion non négligeable (17%) estime aussi que forcer sa conjointe à avoir un rapport sexuel alors qu’elle le refuse n’est pas un viol. Car le mythe du « vrai viol » perdure : à l’extérieur, sous la menace d’une arme, par un inconnu, à l’encontre d’une jeune femme séduisante. Rien n’est plus faux. Dans 90% des cas, les victimes connaissent leur agresseur. 58% des viols sont perpétrés dans le couple et, pour les mineurs, 53% au sein du cercle familial. Plus de la moitié des sondés (55%) jugent à tort que l’espace public est le plus dangereux.

Le nombre de viols sous-estimé

Le nombre annuel de viols est enfin sous-estimé : 41% des Français le situe entre 10.000 et 50.000. En réalité, la moyenne observée ces cinq dernières années fait état de 98.000 viols ou tentatives de viol, dont 14.000 sur des hommes. En tenant compte des mineurs, premières victimes des violences sexuelles, « on arriverait sûrement à un chiffre supérieur à 200.000″, estime l’association. Les Français estiment que 25% des victimes portent plainte. Elles ne sont en fait que 10%.

Le mythe de la fausse plainte

Enfin, les sondés considèrent que certaines victimes accusent à tort leur agresseur, pour se venger (32%) ou pour attirer l’attention (23%). « Ce mythe est tenace. Ce sont les seuls crimes ou délits pour lesquels on soupçonne a priori la personne qui s’en déclare victime« , s’émeut la présidente de l’association.

L’association salue également l’apport précieux des campagnes d’information, des plans gouvernementaux et « le travail énorme » des associations en ce domaine. Pourtant, en dépit de ces efforts, « loi du silence, déni, impunité, absence de reconnaissance, de protection et abandon des victimes de violences sexuelles règnent encore en maîtres« , déplore la présidente de Mémoire traumatique, la psychiatre Muriel Salmona. Trop souvent encore, « la victime, c’est la coupable« .

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