Ex-dirigeant du camp de Guantanamo, le général Miller a été convoqué ce mardi 1er mars par une juge d’instruction parisienne, après la plainte de deux anciens détenus français pour torture.
Un général américain convoqué par la justice française. A la suite des plaintes de deux anciens détenus français du camp de Guantanamo, qui affirment y avoir subi des tortures entre 2002 et 2004, Geoffrey Miller, qui dirigeait la prison pendant ces années-là, a été convoqué ce mardi 1er mars par une juge d’instruction parisenne. Sans surprise, il ne s’est pas rendu à sa convocation.
L’origine des faits remonte à 2001, quelques mois avant les attentats du 11 septembre. Nizar Sassi, 22 ans, et Mourad Benchellali, 24 ans, amis d’enfance et voisins dans la banlieue sud de Lyon, disparaissent en juin sans prévenir leurs familles. On n’apprendra qu’en février 2002 leur arrestation au Pakistan. Soupçonnés par les Etats-Unis de faire partie d’Al-Quaida, ils sont envoyés au camp de détention de Guantanamo, tout juste créé. Ils y resteront pendant deux ans et demi.
De retour en France, et après un passage par la prison, les deux Français portent plainte contre X pour séquestration, détention arbitraire et actes de torture, qu’ils affirment avoir subis à la prison de Guantanamo. De novembre 2002 à avril 2004, celle-ci est supervisée par le général Miller. Pour Nizar Sassi, aujourd’hui âgé de 36 ans, aucun doute : ce dernier est responsable de la maltraitance des détenus. « Tout ce qui se passait là-bas, c’était lui. Il venait s’assurer lui-même que tout se passait bien. Il passait nous voir dans les interrogatoires », a-t-il témoigné sur RMC.
Mais la partie civile ne s’appuie pas seulement sur le vécu des plaignants. Pendant la période du commandement de Miller, la mise en application de techniques dégradantes d’interrogatoire a déjà été prouvée en 2008 par un rapport du Centre pour les droits constitutionnels (CCR), basé à New York. La même année, un rapport de la commission sénatoriale des forces armées décrit l’emploi de techniques similaires (simulations de noyade, exposition à des températures extrêmes…). Après Guantanamo, le général a supervisé la prison d’Abou Ghraib en Irak, où il a également été avéré des traitements dégradants envers les prisonniers.
Même si le gradé n’est pas venu, aucune loi ne l’obligeant à quitter le Texas, Geneviève Garrigos, présidente d’Amnesty International France, voit dans cette convocation « une excellente nouvelle, symbolique ». « Cela fait bizarre de voir le roi de Guantanamo convoqué comme un simple justiciable« , a commenté Nizar Sassi pour l’AFP.
« C’est la dernière procédure pénale s’agissant des traitements subis par les prisonniers de Guantanamo, et elle se passe en France », souligne pour Marianne Appoline Cagnat, l’une des avocats de la partie civile, avec William Bourdon. Partout ailleurs (Espagne, Allemagne, Suisse, Canada, etc…), rappelle Libération, des procédures similaires contre le général ont abouti à des non-lieux.
Le général Miller ne risque rien ou pas grand-chose pour l’instant, mais la partie civile ne compte pas en rester là et demandera au juge d’instruction « de délivrer un mandat d’arrêt à l’encontre du général Miller », prévient William Bourdon. S’il était diffusé internationalement, celui-ci permettrait l’arrestation du général dans les pays où le mandat d’arrêt aurait été ratifié.
Mardi 23 février, le président américain Barack Obama a réitéré son intention de fermer le camp de Guantanamo, sa promesse depuis sa première élection en 2008 : « Il s’agit de fermer un chapitre de l’Histoire, (…) de prendre en compte les leçons que nous avons tirées du 11 septembre et qui doivent guider notre pays à l’avenir ». S’il tient enfin cet engagement de campagne, 91 détenus seront à transférer. Leur statut de combatant illégal donnant lieu à un vide juridique, selon un responsable américain qui s’est exprimé à l’AFP : seuls 35 d’entre eux pourront donc être transférés dans des pays tiers. Pour accueillir les autres, treize sites ont été identifiés sur le sol américain. Le coût de ce transfert a été estimé par l’exécutif entre 290 et 475 millions de dollars. Un projet qui ne séduit pas tout le monde, surtout au sein du Congrès, où les adversaires Républicains du président s’opposent au transfert de détenus. Parmi eux, le président de la Chambre des représentants, Paul Ryan : « Sa proposition manque de détails cruciaux, requis par la loi, comme le coût exact et le lieu d’un nouveau centre de détention ». Le sénateur et ancien candidat à la présidentielle John Mc Cain estime quant à lui que Barack Obama a « raté sa chance de convaincre le Congrès et les Américains qu’il avait un projet responsable pour fermer la prison de Guantanamo ».
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