A quelques jours du procès, retour sur le meurtre de la policière Aurélie Fouquet en 2010

Le procès des meurtriers de la policière Aurélie Fouquet en 2010 va s’ouvrir le 1er mars. L’équipe de malfaiteurs l’avaient tuée à la suite d’un braquage raté et ont été identifiés grâce à la camionnette d’un de leurs complices. Retour sur l’affaire.

Ils rêvaient de prendre la relève de la célèbre Dream Team, qui fit la une, rubrique «braquages de fourgons blindés», à la fin du siècle dernier. Ils voulaient incarner la relève, cette nouvelle génération qui prétendait en remontrer aux anciens. Leur ambition s’est fracassée à l’occasion d’un contrôle routier, le 20 mai 2010, à 9 h 15, sur un boulevard de Créteil, Val-de-Marne, où deux gardiens de la paix eurent leur attention attirée par des impacts de balles sur la portière d’une camionnette blanche.

Le conducteur démarre brusquement, s’engouffre sur l’autoroute A86, où il sème la panique entre jets d’extincteurs et tirs d’arme automatique. «Tant que je peux continuer pour arrêter ces salopards, je vais continuer», lâche un policier sur les ondes. Le drame se noue peu après, lorsque la camionnette percute une voiture ; un équipage de la police municipale de Villiers-sur-Marne surgit, alors que les occupants de la camionnette transvasent leur matériel dans une voiture dont ils ont éjecté le chauffeur ; ils ouvrent le feu les premiers, abondamment, pour couvrir leur fuite. La policière Aurélie Fouquet, touchée à la tête, est évacuée par hélicoptère ; elle mourra le soir même sans avoir accompli son rêve de gravir les échelons de la hiérarchie. La brigade criminelle et la brigade de répression du banditisme consignent les premiers éléments : les témoins ont vu quatre ou cinq hommes encagoulés et gantés, portant des treillis semblables à ceux des forces de l’ordre et des gilets pare-balles. Le deuxième policier municipal, quant à lui, est persuadé d’avoir touché un malfaiteur…

La camionnette « piégée » permet de reconstituer le chemin emprunté la veille de la fusillade.

Les enquêteurs, qui penchent pour une lourde équipe de braqueurs, ont une longueur d’avance. Ils ont équipé d’une balise quelques jours plus tôt une camionnette suspecte stationnée dans une allée du bois de Vincennes non loin de deux autres véhicules du même type. Tous sont faussement immatriculés. L’utilitaire balisé est détecté quatre jours après les faits dans une rue de Champigny-sur-Marne, officiellement par un policier qui passait par là en allant à la patinoire. Un homme est interpellé alors qu’il tente de récupérer à l’intérieur un sac manifestement lourd. Son nom : Malek Khider, 43 ans. Dans son jardin, ou plutôt celui de son voisin, un pistolet-mitrailleur, un fusil d’assaut, un gilet pare-balles, des chargeurs, des cartouches, deux grenades, un brassard de police… Sauf que le suspect assure qu’il ne faisait pas partie du commando impliqué dans cette fusillade qu’il réprouve – au pis, s’il avait été là, il aurait tiré en l’air. Il a d’ailleurs ce matin-là appelé son ancien patron et il est passé à sa banque, avant de déjeuner avec son fils, non sans avoir joint sa femme depuis le téléphone fixe de la maison… De quoi se constituer un alibi solide, mais son meilleur avocat, il ne le sait pas encore, sera la fameuse balise… De quelle nature était le «projet» qui devait se concrétiser ce matin-là ? Il avait été «invité» par deux complices, mais qu’on ne compte pas sur ce gangster confirmé pour en dire davantage…

De nouveau interrogé un mois plus tard, le même Khider consent à révéler ce qui n’est plus vraiment un secret pour les enquêteurs : le fameux «projet» n’était autre que le braquage d’un fourgon blindé, auquel il avait accepté de participer pour se renflouer.

Absence de cadavre

Son rôle devait consister à placer une herse sur la route et des cales sous les roues du fourgon, comme à la parade. Cinq véhicules mobilisés, dont un camion de 19 t, quatre téléphones dédiés avec les numéros des autres scotchés au dos, rien n’avait été laissé au hasard. Les «organisateurs» lui avaient fait miroiter un butin de 8 à 10 millions d’euros, chacun des participants devant encaisser la bagatelle de 750 000 €. «On est chassé, dis-leur qu’on décroche, on arrête tout», telle était la teneur du message qui l’avait conduit à rebrousser chemin…

Difficile pour Khider de rester silencieux alors que les résultats des expertises génétiques sont tombés. Elles ont permis d’identifier l’empreinte d’un certain Olivier Tracoulat, né à Creil, dans l’Oise, en 1975, le seul membre de l’équipe qui ne figurera pas dans le box des accusés le 1er mars, date de l’ouverture du procès de la petite bande devant la cour d’assises de Paris. Et pour cause : c’est lui qui a été touché par les balles des policiers municipaux. Les enquêteurs envisagent qu’il ait succombé à ses blessures, sauf que son cadavre n’a jamais été découvert. Un prélèvement effectué sur la détente du pistolet-mitrailleur retrouvé chez Khider a fait émerger le nom d’un autre complice présumé, celui de Daouda Baba, né lui aussi à Creil, en 1983. Ce n’est pas tout. Entre la poignée d’un sac de sport et divers morceaux de ruban adhésif, les noms de quatre autres personnes sont apparus : Rabia Hideur, né à Paris en 1967, neveu de Khider, William Mosheh, né à Creil en 1983, Olivier Garnier, né à Senlis en 1980, et Fayçal Faïd. Ce patronyme sonne aux oreilles des policiers du Quai des Orfèvres. C’est aussi celui du braqueur le plus médiatique du moment, Redoine Faïd, qui, depuis sa libération conditionnelle un an plus tôt, truste les plateaux télé et rencontre plus de journalistes et de producteurs que tous les bandits de la place de Paris réunis. Un garçon doté d’un culot monstre, d’un charme incontestable, qui a appris son «métier» en regardant des films de gangsters au cinéma. Il a grandi sur le plateau de Creil, où la police judiciaire, qui l’avait baptisé «la Terreur», l’a repéré dès son plus jeune âge (il est né en 1972)…

La suite de l’enquête est encore facilitée par la fameuse balise, qui permet de reconstituer le chemin emprunté la veille de la fusillade par la camionnette «piégée». Les caméras de surveillance des stations-service permettent d’identifier Redoine Faïd, alias «Pixie», «le Chauve» ou «Doc», à cause de son savoir-faire, au volant d’une voiture suivant de près la camionnette balisée. Faïd de plus en plus cerné, puisqu’un renseignement anonyme évoque le fait que le blessé, Tracoulat, aurait été recueilli chez ses frères, à Creil, Tracoulat dont on sait maintenant qu’il a par deux fois utilisé une cabine téléphonique proche des locaux de la Banque de France d’où partaient les fourgons blindés…

Le procès s’annonce tendu, pas seulement à cause de la surface médiatique de Redoine Faïd, qui a bénéficié d’un non-lieu pour l’assassinat d’Aurélie Fouquet. Il y aura aussi de la tension dans le box, car Malek Khider digère mal le fait d’avoir été embarqué dans cette galère, avec en prime cette arme que ses amis lui avaient confiée, dont les experts affirment qu’elle avait servi lors d’un braquage de fourgon à Gentilly. Le type d’erreur que des professionnels ne sont pas censés commettre. Sans compter la politique, tous les ministres de l’Intérieur honorant depuis les faits, chaque année, la mémoire de la défunte policière.

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