GPA, PMA et infertilité dans l'oeil de René Frydman, père scientifique du premier bébé-éprouvette

René Frydman, père scientifique du premier bébé-éprouvette, explique dans « Marianne » cette semaine pourquoi les pratiques médicales, comme la procréation médicalement assistée pour toutes ou l’autoconservation d’ovocytes, doivent être encadrées mais pas interdites. Il revient également sur la nécessité d’un « grand plan infertilité ». Extraits.

Marianne : Face à des avancées technologiques, les oppositions sont fréquentes, mais ne sont-elles pas appelées à s’estomper ?

René Frydman : Tout ça devrait venir, avec l’évolution de la société. La France ne peut pas s’excepter systématiquement du reste du monde. Cependant, il y a des limites à ne pas dépasser dans ce qu’il est possible de faire.

Dans le dossier de la gestation pour autrui (GPA), je rejoins la philosophe Sylviane Agacinski et m’inquiète avec elle de l’aliénation qu’implique pour une femme porteuse la commercialisation de son corps. Nous devrions être mobilisés sur l’interdiction de la marchandisation du corps à l’échelle mondiale. Un colloque va d’ailleurs bientôt se tenir sur l’abolitionnisme de la vente du corps.

Dans le cas de l’autoconservation ovocytaire, en revanche, c’est différent, car personne n’est utilisé, aliéné, et les résistances que suscite cette technique proviennent du dernier carré de la masculinité triomphante. Pendant la présidentielle de 2012, le principal candidat de la gauche a pris l’engagement d’un accès des femmes seules à la PMA, mais rien n’a bougé. Face à toutes ces novations techniques, la seule question vraiment pertinente se formule ainsi : pour qui peuvent-elles être délétères ?

« Face à toutes ces novations techniques, une seule question : pour qui peuvent-elles être délétères ? »

Marianne : Est-on sûr qu’une nouvelle extension du champ d’application de la PMA ne sera délétère à personne ?

René Frydman : Tout dépend à qui elle s’adresse. Si l’extension de la PMA est censée satisfaire le fantasme d’un enfant sur mesure, cela revient à nier la part d’indécidable et de non-voulu que comporte toute venue au monde, et, pour le coup, c’est délétère pour l’enfant. On ne peut pas répondre à tous les desiderata quand cela se fait au détriment du respect de la dignité des autres. Est-ce délétère pour un enfant de naître dans une famille monoparentale ? Il semble que non. Alors, qu’est-ce qui fait qu’on n’y va pas ? Il se pose des questions réglementaires, des questions de modalité, bien plus que des questions de fond.

« Il y a peu de donneuses d’ovocytes en France »

Marianne : Un champ nouveau est la médecine préventive. Vous avez d’ailleurs des préconisations dans ce domaine…

René Frydman : La Sécurité sociale prescrit à toutes les personnes âgées de 50 ans des examens de détection du cancer du côlon. Une telle action préventive n’existe pas dans le domaine de la fertilité. Beaucoup de femmes de 37-38 ans déplorent de n’avoir pas été prévenues de l’importance de procéder à un examen de leur fertilité. Tabac, alcool, stress et polluants habituels dans la vie citadine sont des éléments qui pèsent sur la fertilité et qui concourent à sa réduction. Je propose donc un grand plan «infertilité» qui, sur le mode du plan cancer, coordonne tous les aspects de la lutte contre ce fléau.

Reste le don d’ovocytes. Lorsque j’ai commencé mes recherches, une grossesse à 35 ans était considérée comme une grossesse tardive. Aujourd’hui, c’est plutôt dix de plus ! Dans le cas de ces grossesses tardives, le don d’ovocytes est une pratique très fréquente. Or, en France, il y a peu de donneuses, et le modèle repose sur deux principes : la non-commercialisation et l’anonymat. Même en conservant ces principes, on est loin d’avoir fait ce qu’il faut pour que cela marche, mais personne ne veut écouter les propositions et prendre ce problème à bras-le-corps, laissant la commercialisation internationale prospérer.


 

>>> Retrouvez l’intégralité de cet entretien dans le numéro de Marianne en kiosques.

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