Migrant et homo : la double peine

« Les préjugés ne disparaissent pas une fois les frontières franchies ». Pour les réfugiés persécutés dans leur pays à cause de leur orientation sexuelle, l’arrivée en Europe ne signe pas la fin du calvaire. En Allemagne, une structure spécifique a été créée pour les accueillir et les protéger. Qu’en est-il en France ?

Le 1er février en Allemagne, l’association « Fliederlich » a ouvert à Nuremberg le premier centre d’accueil pour réfugiés homosexuels. Une nécessité pour son fondateur, Michael Glas, car « les préjugés ne disparaissent pas une fois les frontières franchies« , explique-t-il à l’AFP. En clair, la menace liée à l’orientation sexuelle des réfugiés est aussi présente dans les centres lorsqu’ils sont accueillis en Allemagne. Un problème que l’on retrouve de ce côté-ci du Rhin, dans les Centres d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA). Mais à la différence de l’Allemagne, aucune structure spécifique n’existe à l’heure actuelle en France pour accueillir et protéger les réfugiés homosexuels.

Pour Émile le Menn, bénévole à l’Association pour la reconnaissance des droits des personnes homosexuelles à l’immigration et au séjour (ARDHIS) et fondateur de l’association « Réfugiés bienvenue », il y a une « omerta » dans les CADA. « En général ils sont regroupés par nationalité. Or, les gens qui sont dans les centres ne sont pas plus ouverts à l’homosexualité que dans leur pays« , constate-t-il. Des comportements qui obligent les gays, lesbiennes et transsexuels à se cacher. « Ils ne sont pas eux-mêmes« , regrette-t-il. A l’image de ce transsexuel de 19 ans, venu du Bangladesh, qui s’est fait lyncher dans un foyer pour hommes. « Même la responsable du centre a appelé pour savoir s’il n’y avait pas une solution« , raconte à Marianne le jeune militant.

« Leur communauté ici est tout aussi homophobe »

Ces difficultés, les réfugiés pour orientation sexuelle ne les rencontrent pas que dans les centres d’accueil. Beaucoup d’entre eux trouvent refuge auprès de personnes venant de leur pays d’origine. Seulement, là encore, ils sont obligés de cacher la raison de leur demande d’asile en France, au risque de se retrouver sans toit. « Leur communauté ici est tout aussi homophobe« , explique Philippe Colomb, président de l’ARDHIS. Autre exemple, celui d’un jeune réfugié souhaitant passer une nuit dans un centre d’urgence du 115 : ayant entendu parler de cas d’agressions sur des gays, il confie sa peur au téléphone à une employée du 115. La réponse est hallucinante : « Vous pouvez travestir pour aller dans un centre pour femmes » !

La création d’un centre uniquement dédié aux réfugiés LGBT, comme celui de Nuremberg, semble donc s’imposer. C’est en tout cas l’avis de Laura Bacheville, conseillère en économie sociale et familiale (CESF) à la délégation parisienne de l’association Le Refuge, qui recueille des jeunes homosexuels chassés par leur famille. « Ça nous désengorgerait car un tel centre serait beaucoup plus adapté et spécifique. Les réfugiés auraient beaucoup moins peur d’y aller, ils seraient plus en sécurité.« 

En attendant, chaque année, de plus en plus de réfugiés intègrent cette association qui s’adresse à l’origine aux jeunes Français. Entre 2012 et 2014, leur part est passée de 3,9% des hébergés à presque 10%. Pour l’année 2015, sur 1.126 appels reçus par la ligne d’urgence du Refuge, 20% provenaient de migrants.

Un centre spéficique « n’est pas une priorité »

À l’ARDHIS, le nombre de dossiers traités est aussi en augmentation, entre « 350 et 400 par an aujourd’hui« . Des « progressions de l’ordre de 100% » certaines années, d’après son président, Philippe Colomb. Pourtant, malgré le nombre croissant de demande, la création d’un centre pour réfugiés homosexuels « n’est pas une priorité« , regrette Émile Le Menn, bénévole à l’association. Et son président signale que « même si l’expérience allemande (les) intéresse« , « les réfugiés ne souhaitent pas forcément être auprès de LGBT tout le temps, certains souhaitant aussi être proches de leur communauté« .

Pour lui, la vie dans les CADA ne devrait pas être un problème. « C’est à l’État d’y assurer la sécurité« , assène t-il. Mais faute de réaction appropriée des autorités, l’association souhaite développer avec la Mairie de Paris un projet d’aide à l’hébergement pour les réfugiés homosexuels, sous la forme de nuits d’hôtel notamment. En attendant, en Allemagne, un deuxième centre pour réfugiés LGBT, d’une capacité de 120 places, devrait voir le jour très bientôt à Berlin.

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